FÉNELON PHILIPPE (1952- )
L' œuvre entière du compositeur français Philippe Fénelon tisse des liens étroits entre musique, dramaturgie, littérature et peinture : « Selon toute évidence, on ne passe son temps qu'à imiter les œuvres, que ce soient celles des autres ou les vôtres ! [...] Seuls les concepts et la grammaire, dans lesquels les auteurs s'enferment parfois pour se justifier, sont différents les uns des autres » (Arrière-pensées : Philippe Fénelon. Entretiens avec Laurent Feneyrou).
Repenser les genres
Né le 23 novembre 1952 à Suèvres (Loir-et-Cher), Philippe Fénelon commence ses études musicales à l'âge de huit ans, d'abord en leçons particulières puis au conservatoire d'Orléans, où il reçoit une formation traditionnelle : piano, histoire de la musique, harmonie. Dès l'âge de seize ans, il compose. À dix-sept ans, en 1970, il accomplit son premier pèlerinage au festival de Bayreuth : « J'ai vu la toute dernière fois que Windgassen et Birgit Nilsson chantaient Tristan et Isolde sur la scène de Bayreuth. Et je peux vous dire que cela a été un choc extraordinaire » (entretiens avec Jérôme Pesqué, 2006). Il suit à partir de 1971 des études de bulgare, de littérature comparée et de linguistique à l'Institut national des langues et civilisations orientales et entre en 1973 au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il remporte en 1977 le premier prix de composition dans la classe d'Olivier Messiaen. En 1980, il obtient le prix du jury au concours international de composition Stockhausen de Bergame (Italie). Il est pensionnaire de la Casa de Velázquez à Madrid de 1981 à 1983, et est invité en 1988 à Berlin par le Deutscher Akademischer Austauchdienst.
Philippe Fénelon s'adonne d'abord à la musique purement aléatoire ; l'œuvre la plus représentative de cette première démarche compositionnelle est Ballade pour hier, pièce pour piano seul dédiée à André Boucourechliev (1976), « conçue comme un labyrinthe avec plusieurs entrées et des réservoirs d'improvisation reliés par un réseau de flèches ». Mais l'aléatoire seul lui paraît très vite insatisfaisant, trop ancré dans une époque. Dans la période qui suit, il va allier l'aléatoire à une écriture plus traditionnelle ; à des réservoirs de sons enregistrés et aux difficultés rythmiques liées à l'improvisation de certaines parties de ses œuvres, il superpose des courbes mélodiques qui englobent cette complexité sonore et facilitent ainsi la perception. Après « Du, meine Welt ! », pour violoncelle solo et seize instrumentistes (1980), il se détourne peu à peu de la technique aléatoire, qu'il utilisera cependant encore dans Diagonal, pour quatorze musiciens (1983), où « l'organisation extrême alterne des passages aléatoires et des pages rigoureusement écrites ».
Compositeur très éclectique, Philippe Fénelon utilise volontiers depuis Pré-texte, pour voix de femme (1983), des références à d'autres compositeurs, mais il ne recourt en aucune façon à des citations textuelles. Ces références apparaissent volontairement dans des moments un peu décalés, créant ainsi des diversions, cassant une ligne trop bien conduite ou encore provoquant des ruptures dramaturgiques dans ses opéras. Les évocations sont parfois symboliques : ainsi, dans Hélios (Mythologie III, 1989), quatre pièces pour clavecin dédiées « à la mémoire de Bernd Alois Zimmermann », le titre de chaque pièce peut évoquer certains ordres de François Couperin.
Philippe Fénelon s'est intéressé à presque tous les genres musicaux avec peut-être une prédilection pour la musique avec soliste (« Du, meine Welt ! » ; Latitudes, pour clarinette solo et quatorze instruments, 1981 ; « Saturne », Concerto no 1 pour violon et orchestre, 1988 ; cycle des Mythologies : La Colère d'Achille[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
Classification
Média