HUREL PHILIPPE (1955- )
Le compositeur français Philippe Hurel, né le 24 juillet 1955 à Domfront (Orne), accomplit des études de musicologie à l'université de Toulouse (1974-1979), puis entre au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il se perfectionne en composition avec Betsy Jolas et Ivo Malec (1980-1983) et reçoit un prix de composition et d'analyse (1983). Membre de l'équipe de recherche musicale de l'I.R.C.A.M. (1985-1986 puis 1988-1989), pensionnaire à la Villa Médicis à Rome (1986-1988), professeur de composition musicale à l'I.R.C.A.M. (1997-2001), en résidence à l'Arsenal de Metz et à la Philharmonie de Lorraine (2000-2002), il est aussi le fondateur, en 1990, de l'ensemble instrumental Court-Circuit, dont il assume la direction artistique. Prix S.A.C.E.M. des compositeurs en 2002, il reçoit en 2003 le prix S.A.C.E.M. de la meilleure création contemporaine pour Aura, pour piano et orchestre.
Initié à la musique spectrale par Gérard Grisey et Tristan Murail, il axe dès la fin des années 1970 sa réflexion sur le timbre, une réflexion qu'il va enrichir par intégration de principes compositionnels structurels (contrepoint, techniques sérielles) ainsi que par des travaux en psycho-acoustique qui le conduiront à explorer le vaste domaine des ambiguïtés sonores. Le jazz l'a profondément influencé, en l'aidant, selon ses propres dires, à « se ressourcer sur le plan rythmique ».
Cependant, sa principale nourriture formelle est la littérature : il s'inspire du traitement du temps chez Proust, de l'organisation de la répétition et de l'emploi de « motifs » chez Thomas Mann, de la technique narrative de Claude Simon (où des séquences apparemment indépendantes s'interpénètrent progressivement pour former une structure évolutive présentant une forte unité). Hurel va jusqu'à affirmer qu'Ulysse de Joyce ou Jacques le fataliste de Diderot lui ont été plus riches d'enseignements que les partitions de Jean-Sébastien Bach, et il est – à l'instar de Stravinski – de ceux qui pensent que la musique ne véhicule aucun message, si ce n'est d'ordre combinatoire et purement technique.
Peu préoccupé par les débats sur la modernité et les avant-gardes, il est persuadé que sa génération est celle d'une « construction lente », celle d'un « consensus en train de s'instaurer au niveau du langage musical ». Un consensus qui fait aujourd'hui moins de cas des particularismes de l'écriture que de la manière de gérer l'« hétérogène », seule citadelle conceptuelle restant, selon lui, à investir.
C'est pourquoi Hurel s'est intéressé à la combinatoire sérielle, puis aux techniques spectrales, avant de tenter la synthèse musicale entre ces deux démarches compositionnelles. Pour ce faire, il choisira d'explorer l'univers infrachromatique (où les intervalles sont plus petits que le demi-ton), seul susceptible, à ses yeux, « d'atteindre des zones inexploitées, voire inconnues ».
Dès 1986-1987, date de composition de Pour l'image, son travail s'appuie sur ce double principe compositionnel : celui, sériel, qui est fondé sur la création de formes à variations, et celui, spectral, qui élabore des progressions continues d'harmonies et d'agrégats à partir des diverses hauteurs caractérisant un son (en d'autres termes, le spectre d'un son). Ces deux principes peuvent apparaître contradictoires, le premier étant d'essence dynamique (parce qu'il induit un discours – sériel – au sein de l'écriture), le second se révélant statique avec sa conception d'un temps « étiré » (nécessaire à la perception timbrique et harmonique des diverses transformations liées à l'exploration du spectre sonore) ; afin de lier ces deux principes, Hurel élabore donc des transitions entre ses accords sérialisés et ses agrégats spectraux, entre[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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