PHILIPPE IV LE BEL (1268-1314) roi de France (1285-1314)
Le règne de Philippe IV le Bel, monté sur le trône de France à l'âge de dix-sept ans, à la mort de son père Philippe III, le 5 octobre 1285, est considéré par les historiens comme un des plus importants et des plus déconcertants de l'histoire de France.
Son importance tient au fait que le royaume de France apparaît alors au sommet de sa puissance médiévale : c'est le plus peuplé de la Chrétienté (de 13 à 15 millions d'habitants, le tiers de la Chrétienté latine). Il connaît une grande prospérité économique (extension maximale des défrichements, apogée des foires de Champagne, par exemple), le pouvoir monarchique accomplit de tels progrès qu'on voit dans Philippe le Bel, entouré de ses conseillers instruits en droit, les « légistes », le premier souverain moderne d'un État fort et centralisé.
Et pourtant, ce tableau optimiste ne cadre pas avec d'autres constatations. Un profond malaise économique semble latent, que manifestent les nombreuses mutations monétaires (dévaluations ou, plus rarement, réévaluations) ; à la fin du règne, le déclin des foires de Champagne concurrencées par le commerce maritime direct des Italiens avec l'Europe du Nord et, au lendemain de la mort du roi, la grande famine de 1315-1317.
Par ailleurs, des études plus minutieuses montrent un roi connaissant mal son royaume et incapable d'en maîtriser l'étendue (Fawtier), échouant à établir des impôts directs, impuissant à disposer d'une administration efficace (Strayer). Une série de procès et de scandales, mi-politiques, mi-privés, entourent la figure du roi d'un halo douteux : procès de l'évêque de Troyes, Guichard, accusé d'avoir fait mourir la reine par sorcellerie ; procès de l'évêque de Pamiers, Bernard Saisset, qui aggravera le différend du roi avec la papauté ; procès des Templiers ; emprisonnement des brus du roi et exécution de leurs amants.
Enfin, ce roi reste énigmatique. A-t-il été l'instigateur de la politique française ou un simple instrument entre les mains de ses conseilleurs ? Les chroniqueurs contemporains, hostiles pour la plupart aux aspects fiscaux et monétaires de cette politique, penchent pour la seconde hypothèse et font de Philippe IV un souverain mal conseillé. Mais c'est là une idée reçue de la littérature concernant les rois.
Il reste que, derrière ces incertitudes, on entrevoit en Philippe le Bel un type de roi qui n'est plus celui du Moyen Âge classique. Bien que l'on ait insisté sur sa piété et que son gouvernement ait continué l'évolution vers la spécialisation et la centralisation amorcée au moins sous Philippe Auguste, bien qu'il ait eu une vénération spéciale pour son grand-père dont il obtint la canonisation (1297), il apparaît comme un « anti-Saint Louis ». Un leitmotiv de cette époque est de déplorer les détériorations survenues depuis « le temps monseigneur Saint Louis », considéré comme le bon temps ; on pressent ainsi qu'avec ce roi d'un nouveau modèle c'est une autre époque qui s'annonce. Il ne faut pas cependant exagérer la « modernité » de Philippe le Bel et de la France de son temps.
Le roi et son Conseil
On possède peu de renseignements sur le physique, le caractère et la vie privée de Philippe le Bel. Son surnom, qui lui fut donné de son vivant, témoigne de l'habitude de l'entourage royal et de l'opinion publique de voir dans ses rois des incarnations du type idéal du chevalier, beau ou hardi (Philippe III) plus encore que bon (Jean II) ou sage (Charles V).
« D'une race royale et très sainte »
Le récit, par un envoyé de la cour de Majorque, de la mort et des funérailles de Philippe le Bel fournit des renseignements précieux sur le roi et le cérémonial monarchique. Le roi fut frappé d'une attaque le 4 novembre 1314, dans la forêt de Pont-Sainte-Maxence[...]
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Écrit par
- Jacques LE GOFF : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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