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L'HÉRITIER PHILIPPE (1906-1994)

L’Héritier enseignant et vulgarisateur

Peut-être plus encore que par la recherche, c’est par l’enseignement et la vulgarisation que L’Héritier a contribué à imposer la génétique dans le paysage académique français. Ce n’est que grâce à l’appui des physiciens (au premier rang desquels Pierre Auger), et contre les naturalistes, que l’enseignement de la génétique fut finalement imposé à la Sorbonne à compter de 1945-1946. On confia alors à Ephrussi la charge de cet enseignement mais, dans les faits, ce furent surtout les cours de L’Héritier qui gagnèrent à la discipline de jeunes chercheurs enthousiastes de plus en plus nombreux au fil des années. Par goût et par nécessité, il s’impliqua très tôt dans cette tâche où, semble-t-il, il excellait. Nombreux sont ses anciens élèves qui témoignent de cours extrêmement rigoureux capables d’introduire les étudiants aux avancées les plus récentes de la biologie moléculaire. C’est qu’à côté de son activité de recherche, et contrairement à Teissier par exemple, L’Héritier prit toujours grand soin de se tenir informé des développements de la biologie moléculaire, dont il admirait la dimension unificatrice pour les sciences du vivant.

L’Héritier fut ainsi un admirable pédagogue du mendélisme, via ses cours mais aussi par ses ouvrages, comme son Dictionnaire de génétique (1979) ou encore La Grande Aventure de la génétique (1984). Son Traité de génétique, publié dès 1954, sera ainsi l’ouvrage de référence en langue française pendant de nombreuses années. Il y a d’ailleurs ici une certaine ironie : lui qui enseigna sans relâche la génétique classique, n’eut de cesse, en tant que chercheur, de se passionner pour les phénomènes qui paraissaient échapper à la logique mendélienne. C’est peut-être là certainement que se trouve le grand regret de sa carrière : que l’ensemble des phénomènes hétérodoxes qu’il avait su mettre en évidence aient pu, tout compte fait, trouver une explication satisfaisante au sein du cadre standard. Comme l’indiquait François Jacob en juin 1980, L’Héritier « espérait trouver avec Sigma un exemple d’un mode d’hérédité différent de l’hérédité classique ». L’hérédité « non chromosomique », dont L’Héritier, l’un des premiers, avait souhaité qu’elle soit qualifiée d’« épigénétique », trouvait en fait parfaitement sa place au sein de la théorie mendélienne dont il avait été un si brillant vulgarisateur.

Philippe L’Héritier est mort à Champétières (Puy-de-Dôme) le 12 janvier 1994.

— Laurent LOISON

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Écrit par

  • : docteur en épistémologie et histoire des sciences, chargé de recherche au CNRS, professeur agrégé de sciences de la vie et de la Terre

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Philippe L’Héritier - crédits : Droits Réservés

Philippe L’Héritier

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