MANOURY PHILIPPE (1952- )
Compositeur, pédagogue, chercheur, animateur de la vie musicale, le Français Philippe Manoury occupe une place exceptionnelle dans l'évolution de la musique de la fin du xxe siècle et du début du xxie. Deux personnalités ont joué un rôle déterminant dans son parcours esthétique et l'élaboration de son langage : Karlheinz Stockhausen et Pierre Boulez.
La note et le son
Né le 19 juin 1952 à Tulle (Corrèze), Philippe Manoury commence l'étude de la musique vers l'âge de onze ans ; il est immédiatement attiré par la composition. Il étudie à l'École normale de musique de Paris : le piano avec Pierre Sancan, puis l'écriture et la composition avec Gérard Condé et Max Deutsch. Il entre au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il obtient des premiers prix dans les classes de Claude Ballif (analyse) et d'Ivo Malec (composition).
Pas vraiment marginal, mais pas encore vraiment intégré au monde musical, il commence à se faire connaître en 1974, avec Focus, pour petit orchestre, créé au festival de Royan le 25 mars, puis avec Cryptophonos, pour piano seul, dédié à Claude Helffer et créé par celui-ci aux Rencontres internationales de musique contemporaine de Metz le 23 novembre. En 1977, Pierre Boulez programme Philippe Manoury au premier concert de Passage du xxe siècle, le grand cycle inaugural de l'I.R.C.A.M., avec Numéro cinq, pour piano et ensemble, une œuvre qui se présente, nous dit le compositeur, comme « bâtie sur un choix arbitraire et conscient d'un ensemble de règles et de contraintes ». À partir de 1975, Philippe Manoury s'initie à la composition assistée par ordinateur avec Pierre Barbaud.
De 1978 à 1981, il réside au Brésil, où il donne des cours dans différentes universités (Brasília, São Paulo, Rio de Janeiro, Salvador). Pendant cette période, il compose Numéro huit, une œuvre écrite pour un très grand orchestre de 103 musiciens et qui sera créée dans sa version intégrale à la Maison de Radio-France le 9 juin 1990. Dès ses premières pièces, Philippe Manoury a manifesté sa préférence pour le grand orchestre, « non pour la masse mais pour l'image sonore, la possibilité de superposer avec eux-mêmes plusieurs fois un motif, un accord, une idée musicale ». Pour lui, l'important, c'est de disposer d'un vaste éventail de possibilités sonores. Il compose par strates, souvent en descendant en profondeur dans la texture musicale : une ligne, puis une autre qui transforme la première et ainsi de suite. Dans Numéro huit, l'engendrement par couches, les principes de prolifération, la démultiplication des motifs, le mélange des images sonores reviennent sans cesse.
Invité à l'I.R.C.A.M. en 1981, il y entreprend, en collaboration avec le mathématicien et informaticien Miller Puckette, des recherches dans le domaine de l'interaction en temps réel entre les instruments acoustiques et les nouvelles technologies liées à l'informatique musicale. Après une année de travail au cours de laquelle il apprend à intégrer dans son processus compositionnel les nouvelles technologies, il écrit Zeitlauf, pour douze voix solistes, ensemble de quatorze instrumentistes, bande magnétique et synthétiseur. Cette pièce, créée le 15 février 1983 à l'I.R.C.A.M., est née de réflexions sur des principes de corrélations qui existent entre les différents composants musicaux : « L'idée primitive, dit-il, était que ces pôles extrêmes (perception immédiate et mémorisante réfléchie) pourraient être reliés par un réseau de relations continues. C'est-à-dire que le point de départ devrait être l'analyse du timbre, et, à partir de cette analyse, la construction de tout l'espace sonore dans lequel le timbre évoluera. »
Ses recherches le conduisent à se pencher de plus près sur le problème de l'interaction[...]
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Écrit par
- Juliette GARRIGUES : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
Classification
Média
Autres références
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ALGORITHMIQUE MUSIQUE
- Écrit par Alain FÉRON
- 393 mots
- 1 média
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