PINEL PHILIPPE (1745-1826)
Aliéniste français à qui est attribuée la « libération », sous la Révolution, des malades à l'intérieur des asiles. Après des études classiques au collège de Lavaur (Tarn) puis ecclésiastiques au collège de l'Esquille à Toulouse, Pinel quitte la soutane pour préparer dans cette ville son doctorat de médecine, auquel il est reçu en 1773. L'année suivante, il part pour Montpellier où il sympathise avec Chaptal encore étudiant, étudie la nosographie de Boissier de Sauvages et suit l'enseignement de Barthez. Mais il n'y soutient pas de nouvelle thèse et se contente d'en rédiger quelques-unes, assez médiocres, pour des étudiants.
En 1778, il part pour Paris avec l'espoir d'y faire carrière. Ses débuts sont assez modestes : il survit grâce à des leçons particulières de mathématiques, à la rédaction d'articles médicaux de circonstance, puis, à partir de 1782, grâce à la direction de la Gazette de santé. Il traduit les Institutions de médecine pratique de Cullen en 1785 et les Œuvres médicales de Baglivi en 1788. Il exerce peu la médecine de clientèle, travaillant surtout, à partir de 1784, à la maison de santé de M. Belhomme, rue de Charonne, réservée à de riches malades mentaux. Desservi par sa timidité naturelle, sa petite taille et un bégaiement assez pénible, il échoue à trois reprises au concours de la faculté pour un poste de « docteur régent ». Sans doute pour les mêmes raisons, il se voit refuser une charge de médecin auprès de Mesdames, tantes du roi.
L'Ancien Régime l'ayant peu gâté, Pinel adopte avec enthousiasme les idées de la Révolution française ; il devient officier municipal et suit d'assez près les séances de l'Assemblée législative, puis de la Convention. Il participe au service d'ordre lors de l'exécution de Louis XVI, « en armes, avec les autres citoyens de sa section ». Mais il devient un bourgeois « modérantiste » et n'accepte pas la Terreur. Craignant d'être arrêté, il se fait nommer, grâce à son ami Thouret, médecin à l'hospice de Bicêtre où il va se cacher du 11 septembre 1793 jusqu'au lendemain du 9-Thermidor.
Avec la réaction thermidorienne, dont il est le chaud partisan, Pinel commence enfin la brillante carrière qu'il attend depuis si longtemps (il a déjà quarante-neuf ans) : nommé, en décembre 1794, professeur de physique médicale et d'hygiène de la toute nouvelle École de santé de Paris, il y succède, l'année suivante, à Doublet dans la chaire de pathologie interne. Le 13 mai 1795, il devient médecin-chef à l'hôpital de la Salpêtrière. En 1802, il achète un important domaine, à Torfou, « payé comptant ». Membre de l'Institut en 1803, il est un des premiers à être décoré de la Légion d'honneur, car il sert maintenant l'Empire, qui le nomme en 1805 médecin consultant de l'Empereur. Son opportunisme le maintient en place pendant les deux restaurations. Et l'ancien sectionnaire de 93 est même décoré « au nom du roi » en 1818, de la croix de l'ordre de Saint-Michel. En 1822, cependant, à la suite de la dissolution de l'École de médecine, il figure parmi les professeurs définitivement révoqués (il a soixante-dix-sept ans). Mais il garde jusqu'à sa mort son poste à la Salpêtrière.
Il faut dégager l'œuvre de Pinel de la gangue mythique qui la recouvre : son fameux « geste libérateur » est une légende qu'il a créée lui-même en 1809 en la consignant dans l'introduction de la deuxième édition de son Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, comme si elle se trouvait déjà dans la première édition de l'an IX (1801). Ainsi toute la classe médicale française du xixe et du xxe siècle cachera sa violence et son avidité pour le pouvoir derrière de tels[...]
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Écrit par
- Jacques POSTEL : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris
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