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JONES PHILLY JOE (1923-1985)

Joseph Rudolph Jones, que l'on surnommera très vite « Philly » Joe pour le distinguer du grand Jo Jones, naît à Philadelphie le 15 juillet 1923. Comme pour beaucoup de jazzmen, son enfance n'a guère retenu l'attention des chroniqueurs. Nous savons seulement que l'adolescent se produit avec des formations locales et qu'il accompagne occasionnellement les musiciens qui, à l'instar de Dexter Gordon et de Fats Navarro, font escale dans sa ville natale. Nous le retrouvons en 1949 à Washington, où il travaille avec Ben Webster. C'est ensuite, à New York, le début d'une carrière de free-lance. Il s'y produit notamment aux côtés de « Zoot » Sims et de Lee Konitz (1952). Cet infatigable découvreur de talents qu'est Miles Davis le remarque et l'appelle auprès de lui pour une collaboration de six années (1952-1958) dans son quintette. De nombreux albums viennent marquer cette rencontre au sommet : Collector's Items (1953, avec Charlie Parker et Sonny Rollins, tous deux au saxophone ténor, ce qui est une rareté), Cookin', Workin', Soulin', Steamin', Round about Midnight (1955-1956, splendide série d'albums avec John Coltrane), Milestones (1958, où Coltrane est rejoint par Cannonball Adderley). Il forme avec Paul Chambers (basse) et Red Garland (piano) une section rythmique dont l'équilibre est encore considéré comme idéal. Cela ne l'empêche pas de se produire en même temps sous son nom ou d'accompagner d'autres musiciens, comme Tony Scott (1953), Tadd Dameron (1954), Lee Morgan (1956), Art Pepper (1957), Clark Terry (1958), Gil Evans et Jackie McLean (1959), Hank Mobley (1961) et Elmo Hope (1963). Il effectue en 1964 une tournée au Japon et forme, en 1965, un quintette avec, notamment, Franck Morgan au saxophone alto et Phineas Newborn au piano. En 1969, il quitte les États-Unis pour se fixer en Europe. Il meurt à Philadelphie le 30 août 1985.

Philly Joe Jones est certainement l'un des derniers grands batteurs de style bop. Ses recherches rythmiques et la sûreté de son goût le situent dans la lignée d'un Kenny Clarke. Il a hérité d'Art Blakey sa violence percussive et son autorité tranchante. Max Roach lui a offert sa précision, sa virtuosité et son sens de la ligne mélodique. Mais, s'il ne renie en rien d'aussi prestigieux inspirateurs, n'est-il pas tout autant le premier des grands batteurs modernes ? C'est avec une remarquable finesse qu'il exploite l'indépendance de ses quatre membres et la subdivision de chaque temps. Accumulant les figures secondaires, il parvient à superposer de nombreux rythmes différents tout en maintenant le tempo à la grande cymbale. Il est l'un des premiers à oser utiliser la pédale charleston de manière asymétrique, pédale condamnée jusque-là à ponctuer les deuxième et quatrième temps de la mesure. Si la pulsation de base y perd de son évidence, c'est une richesse toute nouvelle qu'y gagne la batterie. Avec lui, le soliste perd le soutien confortable qui permet toutes les facilités mais trouve en revanche un partenaire qui le contraint à l'audace, au dépassement.

— Pierre BRETON

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