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PHILOLOGIE

Le sens du mot « philologie » (spécialement imprécis dans l'usage français) ne peut guère se définir que par opposition avec d'autres termes, parfois à peine moins vagues : linguistique, critique littéraire, histoire de la littérature. Le champ d'application de la philologie recouvre partiellement les divers domaines ainsi désignés, tout en conservant une spécificité qui, il est vrai, s'est beaucoup estompée durant la première moitié du xxe siècle. Cette ambiguïté est la conséquence de l'ancienneté du mot, qui véhicule un certain nombre de notions très antérieures à la formation des sciences modernes : contradiction qu'a fait ressortir la diffusion, depuis environ 1920, des méthodes dites structurales.

Dans son acception la plus générale, la philologie peut être considérée de trois points de vue : elle vise à saisir, dans leurs manifestations linguistiques, le génie propre d'un peuple ou d'une civilisation et leur évolution culturelle ; elle résulte de l'examen des textes que nous a légués la tradition en question ; elle embrasse non seulement la littérature, mais tout l'écrit. Dans la pratique, la philologie tend à se ramener à l'interprétation textuelle des documents.

On peut donc dire à la fois qu'elle est et qu'elle n'est pas une discipline particulière : elle l'est, dans la mesure où elle traite de questions bien distinctes (ainsi, l'histoire des manuscrits d'un texte, la comparaison critique des variantes) ; elle ne l'est pas, dans la mesure où toutes les questions dont elle s'occupe constituent les éléments d'un système compact, le passé humain, en tant que nous cherchons à le comprendre dans le présent.

De toute manière, la philologie est ainsi liée à une conception de la continuité historique. Elle se fonde sur l'idée d'une société rassemblée par le lien du langage et dont l'existence englobe la durée entière d'une tradition : sa fonction consiste à maintenir les monuments de cette dernière dans le plus grand état de pureté, afin d'en préserver le contenu, spécialement dans les domaines où prédominent les valeurs imaginatives ou esthétiques – littérature, mais aussi, quant à leurs sources écrites, religion et philosophie, historiographie, droit, etc. En ce sens, il n'est pas douteux que la philologie constitue l'une des marques et des clés de la civilisation européenne gréco-latine, telle qu'elle s'est maintenue, avec une certaine cohérence, jusqu'au xixe siècle.

L'Antiquité

Dès le vie siècle avant notre ère se marque, dans le monde hellénique, le besoin d'authentifier et d'expliquer les grandes œuvres de la tradition poétique, spécialement celles d'Homère. D'où l'élaboration de gloses, scolies et paraphrases, auxquelles s'ajoutent bientôt les analyses de la rhétorique. Cet ensemble de recherches et de spéculations, dont les sophistes établirent les fondements, reçut le nom de ϕιλολογ́ια dérivé de ϕιλ́ολογος, proprement « amateur de mots ». La Rhétorique et surtout la Poétique d'Aristote peuvent être considérées comme des produits de cette première « philologie ». La doctrine y prend corps. Elle sera pratiquée et développée dès lors par les lettrés et les grammairiens plutôt que par les philosophes. Mais c'est à partir du iiie siècle avant J.-C. que l'épuisement de la veine créatrice de la poésie grecque entraîne une valorisation du passé et de la philologie, dont celle-ci profite pour s'émanciper et conquérir son indépendance. Cette transformation s'opère dans les cercles de lettrés groupés autour des bibliothèques qu'ont réunies les Attalides à Pergame et surtout les Ptolémées à Alexandrie. Les plus grands philologues des iiie et iie siècles[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur aux universités d'Amsterdam, de Paris-VII, de Montréal

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Robert Estienne - crédits : Stefano Bianchetti/ Corbis/ Getty Images

Robert Estienne

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