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PHILON D'ALEXANDRIE (20 av. J.-C. env.-45)

L'exégèse allégorique

Le nom de Philon est lié à l'exégèse allégorique du Pentateuque. La méthode allégorique était prônée par des écoles grecques et fut adoptée par les juifs alexandrins avant Philon, comme en témoigne la Lettre d'Aristée. L'apologétique juive s'était emparée de l'allégorie pour justifier aux yeux des Grecs l'étrangeté de certains préceptes de la Loi, tels la distinction des animaux purs et impurs, la circoncision, le sabbat. Ces préceptes comportaient une signification profonde qui correspondait à la nature même des choses, à la loi cachée dans l'univers. Pourquoi les oiseaux carnivores étaient-ils interdits ? parce qu'ils enseignaient la violence. Pourquoi la circoncision ? parce qu'elle figurait la purification des passions. Le culte tout entier était symbole par rapport à l'essentiel : le culte spirituel. De tels arguments pouvaient toucher les philosophes.

Philon reprend la méthode allégorique de façon magistrale, sans cesser de défendre le sens littéral. Bien des juifs instruits du sens spirituel tendaient en effet à négliger la pratique des préceptes. « S'il est vrai qu'une fête symbolise la joie spirituelle et l'action de grâces qui monte vers Dieu, ne désertons pas pour autant les assemblées qui jalonnent les saisons. S'il est vrai que la circoncision exprime la séparation d'avec le plaisir et d'avec toutes les passions, n'allons pas pour autant supprimer la loi pratique de la circoncision. Car nous négligerions aussi le service du Temple et mille autres observances, à force de nous intéresser aux seules lumières du sens profond. Non, il faut admettre que ces deux aspects de la Loi correspondent l'un au corps, l'autre à l'âme, et donc, comme il faut songer au corps parce qu'il est la maison de l'âme, il faut pareillement se soucier des lois telles qu'elles sont énoncées. En les observant, on verra s'éclairer davantage les réalités dont elles sont le symbole » (De migratione Abrahami, 92-93). Il fallait donc passer par l'accomplissement matériel, corporel, du précepte pour atteindre le sens caché sous la lettre de l'Écriture.

Or, c'est la Torah dans son ensemble qu'il fallait pénétrer pour accéder à la révélation sur l'homme et le cosmos dans leur relation avec Dieu. Pour interpréter les secrets de l'Écriture, Philon allait se servir de la culture de son temps. La symbolique des nombres lui venait du néo-pythagorisme ; on n'en finirait pas d'énumérer les merveilleuses propriétés des nombres, de l'hebdomade en particulier. L'interprétation cosmologique était déjà pratiquée par les stoïciens ; Philon l'applique au culte juif. Le Temple visible est la figuration du temple de Dieu qu'est le monde entier, « la robe du grand-prêtre est une imitation de l'univers et ses différents éléments correspondent chacun à une partie de l'univers » (De vita Mosis, II, 117). Mais le mode d'investigation le plus fréquent est ce qu'on pourrait appeler l'exégèse psychologique ou morale, représentée chez les néo-pythagoriciens du temps. L'objet ou le personnage allégorisé figure une partie de l'âme ou une de ses activités, une passion, une vertu. Par exemple Agar, la servante de Sara, symbolise les sciences encycliques ou arts libéraux dont la pratique mène à la sagesse, laquelle est la maîtresse Sara. Les patriarches – Hénoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob – représentent chacun une vertu.

À première vue, cette exégèse paraît totalement arbitraire et sans aucun rapport avec le texte ; cependant, Philon se place si parfaitement à l'intérieur de la foi et de la tradition juives que son exégèse se situe souvent dans le prolongement des aspirations spirituelles des prophètes et parfois même en continuité[...]

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