PHILOSOPHIE ANALYTIQUE
La philosophie analytique en France
La philosophie analytique anglo-saxonne a commencé tardivement à exercer une véritable influence sur les recherches des philosophes de langue française. Jusque-là, quelques-uns d'entre eux seulement y faisaient des références, le plus souvent passagères ; et un très petit nombre d'historiens de la philosophie moderne s'étaient penchés sur ce mouvement, qui date pourtant maintenant du début du xxe siècle. Mais les choses ont changé. Et l'on peut essayer simplement de résumer d'une manière partielle, et dans trois secteurs limités de la recherche analytique, les tendances principales de ses nouveaux développements qui donnent lieu à des ouvrages et articles originaux, ainsi qu'à des traductions de l'anglais permettant désormais au lecteur français de s'informer assez à fond sur les acquis de l'analyse.
Logique mathématique et philosophie des sciences
On a souvent remarqué que le mouvement analytique d'avant la Seconde Guerre mondiale a joué de malheur en France, avec la disparition prématurée, et tragique, de plusieurs jeunes philosophes qui s'y étaient intéressés directement (quoique à des titres assez divers ; parmi eux : J. Nicod, J. Herbrand, J. Cavaillès). Mais il faut admettre aussi qu'il y a toujours eu une forte résistance, de la part de la philosophie française, vis-à-vis des tendances extrêmement rationalistes – et même, dans les premiers temps, positivistes – du mouvement analytique.
De l'époque positiviste (celle de l'empirisme logique), et des auteurs – principalement américains – qui l'ont prolongée après la guerre, nous avons reçu aujourd'hui deux héritages. Le premier est celui de la logique mathématique, issue d'abord des œuvres de Frege, Russell et Wittgenstein, et rapidement devenue ensuite une branche spécialisée de la science mathématique elle-même (l'exemple de Herbrand, mathématicien pur, était déjà significatif à cet égard). Mais l'école analytique américaine, principalement à travers W. V. O. Quine, a su maintenir le contact entre la logique formelle et la philosophie proprement dite ; Quine a eu autour des années 1960 une influence certaine sur la jeune génération des philosophes français intéressés par l'analyse, et aussi sur plusieurs linguistes pour qui sa critique des logiques modales, par exemple, peut présenter un intérêt incontestable.
Le second héritage de l'époque positiviste – bien que la doctrine de l'empirisme logique, et même de l'empirisme tout court, doive être considérée comme largement dépassée aujourd'hui – concerne la philosophie des sciences. Cet aspect de la philosophie analytique est peut-être celui qui est le plus largement connu en France ; et on dispose à ce sujet d'un bon nombre de travaux historiques. Sur le fond, les deux auteurs dont l'influence a été la plus forte (y compris auprès des scientifiques) sont K. R. Popper et T. S. Kuhn ; fait remarquable, tous deux représentent la réaction d'une épistémologie de tendance « idéaliste » (au sens technique du terme) contre les excès de l'empirisme. Pour une période plus récente, signalons les prises de position franchement polémiques et contestataires de P. K. Feyerabend, qui marquent peut-être, il est vrai, la fin d'une certaine forme de philosophie des sciences, aujourd'hui très attaquée.
La philosophie du langage
Un autre secteur de la philosophie analytique qui, depuis la fin des années 1970, attire plus spécialement l'attention des philosophes de langue française est celui que l'on a appelé, à la suite des travaux de J. R. Searle, la « philosophie du langage ». Cette dénomination n'est peut-être pas très heureuse ; on peut craindre, en particulier, une confusion avec la perspective, très différente, qu'avaient développée,[...]
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Écrit par
- Francis JACQUES : professeur à l'université de Rennes
- Denis ZASLAWSKY : docteur en philosophie de l'université Paris-I, chargé de cours à l'université de Paris-I, ancien assistant au Collège de France
Classification
Médias
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