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PHILOSOPHIE ANATOMIQUE (É. Geoffroy Saint-Hilaire)

Un titre tel que Philosophie anatomique est surprenant pour le lecteur d’aujourd’hui, qui peut trouver incongrue cette association de termes. Pourtant, lorsque Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), alors l’un des plus célèbres naturalistes français, professeur de zoologie au Muséum national d’histoire naturelle et membre de l’Académie des sciences, publie le premier volume de cet ouvrage en 1818 (le second suivra en 1822), il s’inscrit dans une tradition bien établie. Ainsi, Antoine de Fourcroy a fait paraître une Philosophie chimique en 1792, et Lamarck une Philosophie zoologique en 1809. Ce que proclame ici le mot « philosophie », c’est la volonté de ne pas se limiter à une anatomie purement descriptive, de s’élever au contraire à des considérations générales et de donner du sens à l’étude des structures animales.

Squelettes de vertébrés - crédits : BIU Santé Médecine, Paris, cote : 08242 P. 10

Squelettes de vertébrés

La grande idée de Geoffroy Saint-Hilaire est l’unité fondamentale du plan d’organisation de tous les animaux (ou du moins, dans un premier temps, de tous les Vertébrés) : selon lui, leur anatomie, en dépit des différences, peut être « ramenée à un type uniforme ». Cette conception n’est certes pas nouvelle puisqu’elle est déjà plus ou moins clairement formulée dès l’Antiquité (chez Aristote par exemple) et, sous des formes plus précises, à la fin du xviiie siècle, notamment chez le médecin et anatomiste Félix Vicq d’Azyr. Mais Geoffroy Saint-Hilaire veut aller plus loin. En premier lieu, il veut en faire une loi générale de l’organisation des animaux, ce qu’il appelle la « théorie des analogues » : tout organe d’un certain animal posséderait un équivalent ou « analogue » (on dirait aujourd’hui « homologue ») chez toutes les autres espèces. Parfois cette « analogie » est assez évidente (comme entre un fémur de cheval et un fémur humain) ; parfois elle ne l’est pas, par exemple dans le cas des osselets de l’oreille moyenne des Mammifères, que l’on ne retrouve pas sous cette forme chez les autres Vertébrés.

Pour reconnaître ces « analogies » plus obscures, Geoffroy Saint-Hilaire introduit un critère précis, le « principe des connexions » selon lequel sont analogues des parties dont les rapports avec les parties voisines sont identiques dans toutes les espèces. Ainsi, deux os seront analogues s’ils présentent des relations semblables avec les muscles, les nerfs, les vaisseaux et les autres os qui les entourent. Ce critère ouvre la voie à un programme de recherche que Geoffroy Saint-Hilaire commence à mettre en œuvre dans les cinq mémoires qui composent ce premier volume de Philosophie anatomique, sous-titré Pièces osseuses des organes respiratoires.

Dans les années suivantes, Geoffroy va tenter d’étendre ces vues et de démontrer l’existence d’un plan d’organisation commun non seulement à tous les Vertébrés, mais aussi à d’autres groupes d’animaux, notamment aux « articulés » (grosso modo les Arthropodes) et aux Mollusques. Il va alors s’opposer à Cuvier pour qui, au contraire, chacun de ces groupes est caractérisé par un plan d’organisation spécifique, fonctionnel et irréductible aux autres. Un vif débat éclate en 1830, suscitant l’intérêt des savants de toute l’Europe, mais aussi d’un large public. Il s’achève sans vainqueur ni vaincu, mais va durablement diviser les anatomistes au sujet de la « théorie des analogues ».

Point important, bien que la théorie de l’évolution existe à l’époque (par exemple dans les ouvrages de Lamarck) et que Geoffroy Saint-Hilaire lui-même en admette une version très limitée, il ne l’invoque jamais pour expliquer les similitudes anatomiques entre les animaux. Pour lui, l’unité du plan d’organisation est une loi générale de la nature, mais il ne tente pas de lui donner une dimension historique. Pour autant, les arguments anatomiques qu’il rassemble en sa faveur seront largement utilisés[...]

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Squelettes de vertébrés - crédits : BIU Santé Médecine, Paris, cote : 08242 P. 10

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