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PHILOSOPHIE (notions de base)

De toutes les disciplines, la philosophie est la seule qui puisse parler d’elle-même sans sortir du champ de connaissance qui lui est propre. Si l’on demande à un mathématicien quelle est l’utilité des mathématiques, il ne pourra pas répondre par une formule ou par un système d’équations, mais devra sortir de son « territoire » pour émettre une hypothèse. Si l’on interroge un généticien sur les dangers des biotechnologies, il ne pourra répondre en analysant la structure de l’ADN, mais devra s’aventurer, lui aussi, en dehors de son domaine de compétence. À l’inverse, si l’on interroge un philosophe sur l’intérêt de la pratique philosophique, sa réponse restera inscrite dans le champ de celle-ci : la philosophie est nécessaire à sa propre compréhension.

Dès lors, la définition de la philosophie que propose un philosophe ne saurait être neutre : elle ne peut qu’affirmer implicitement son appartenance à tel ou tel courant de l’histoire de sa discipline.

L’énigme du commencement

Lorsqu’on aborde la question de l’origine, deux types d’interrogations se font jour. La première renvoie à celle de savoir si la philosophie trouve naissance en Occident ou si, en d’autres lieux de la planète, des formes plus ou moins analogues sont apparues qu’on serait fondé à qualifier de « philosophiques ».

Si l’on accepte une définition très large de la philosophie, en classant sous ce terme toute construction intellectuelle visant à penser l’univers et la place de l’homme au sein de la totalité, il devient évidemment absurde de circonscrire cette pratique à la civilisation occidentale : depuis que l’homme a accédé à la conscience de lui-même, il cherche à savoir qui il est et quelle est sa place dans la nature. La philosophie englobera donc les grands écrits du bouddhisme indien, les pensées de Laozi (571-531 av. J.-C.) ou de Confucius (551-479 av. J.C), et bien d’autres encore, issus de différentes civilisations.

En revanche, si l’on qualifie de philosophie des constructions liées à la science et inséparables de celle-ci, il devient cohérent, sans faire preuve du moindre ethnocentrisme, de la réserver aux édifices intellectuels qui ont d’abord surgi au sein de la civilisation occidentale. L’historien des sciences G. E. R. Lloyd, a ainsi défendu l’hypothèse d’une origine grecque de la philosophie dans un ouvrage qui a fait date, Origine et développement de la science grecque (1979) : « L’essor de la philosophie et de la science en Grèce ancienne constitue un tournant qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la pensée [...] La science occidentale en est l’héritière, on peut dire qu’elle y a pris naissance. » L’argument majeur de Lloyd tient donc au lien essentiel qui unit sciences et philosophie. Les sciences – au sens où nous les définissons aujourd’hui encore, autrement dit l’ensemble des théories rationnelles et reconnues comme indépendantes des croyances partagées à la même époque par les hommes – sont nées sur le sol grec. Si l’on accorde à Lloyd que sciences et philosophie se sont développées d’un même mouvement, l’origine grecque, et donc occidentale, de la philosophie devient difficilement discutable. Un second type d’interrogations surgit alors : de quelle manière est-elle apparue dans ce cadre ? Il s’agit maintenant de sonder la civilisation hellénique et de peser les différentes hypothèses qui entrent en concurrence.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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