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PHILOSOPHIE (notions de base)

Une triple origine

Trois hypothèses sont envisageables. La première est à la fois historique et métaphysique : elle ferait remonter la philosophie aux textes consacrés à la nature par les penseurs qu’on a qualifiés de « présocratiques ». Le plus ancien auquel nous ayons accès date du vie siècle avant notre ère : il s’agit d’un bref fragment d’Anaximandre (env. 610–546 av. J.-C.), indiquant comment tout ce qui est né doit être jugé dans l’infinité du temps. La seconde hypothèse fait de Socrate (env. 469-399 av. J.-C.) le père de la philosophie, et de son disciple Platon (env. 428-env. 347 av. J.-C.), qui a adopté la forme du dialogue opposant des thèses contradictoires, le premier penseur ayant laissé une œuvre écrite pouvant être qualifiée de « philosophique ». Une troisième hypothèse, plus anthropologique, voit dans les sophistes les premiers philosophes au sens plein du terme, c’est-à-dire des hommes conscients de leurs limites, renonçant à atteindre des vérités supposées absolues, et qui se contentent de donner à chacun, dans une société devenue démocratique, les capacités de faire triompher leur point de vue dans un débat.

Une majorité d’historiens de la philosophie défendent l’hypothèse d’une origine socratico-platonicienne de la philosophie, en s’appuyant sur le fait que le dialogue – forme d’exposition choisie par Platon qui met en scène son « héros » Socrate – serait la mise en mouvement du langage et de la pensée, bloqués jusqu’alors dans des styles non spécifiquement philosophiques (le poème ou l’aphorisme), qui auraient conduit à des impasses. La naissance de la démocratie à Athènes a joué un rôle éminent dans cette habitude qu’ont prise les habitants de la Cité d’échanger sur tous les sujets qui les concernaient. Dans le dialogue, la pensée se cherche elle-même à travers le discours, et parvient grâce à lui à la clarté et à la cohérence. Le dialogue ne met pas en forme un contenu déjà présent, il crée et corrige un contenu à travers sa formulation. Il présente néanmoins une réelle faiblesse : il peine à exposer une philosophie constituée et n’est vraiment lui-même que dans sa forme aporétique – terme d’origine grecque signifiant « qui n’aboutit pas », « sans conclusion ». Platon lui-même semble renoncer au dialogue dans ses derniers écrits, par exemple dans Le Sophiste, où un personnage nommé L’Étranger prend la place du Socrate des premiers dialogues : « Je suis un peu honteux, Socrate, pour ma première rencontre avec vous, de ne pas donner à l’entretien la forme lentement progressive d’un échange de propos, mais d’étendre mon propos et de lui donner, moi tout seul, un développement continu – même si j’ai un interlocuteur, comme si je faisais un exposé. »

Pour les défenseurs d’une origine platonicienne de la philosophie, le poème et l’aphorisme seraient des formes antérieures à la philosophie proprement dite ; le dialogue serait quant à lui l’instrument parfait de la recherche philosophique et de la critique des opinions contradictoires ; quant à l’exposé continu, il serait l’unique possibilité de formuler rigoureusement une thèse philosophique. Trois étapes qui se succéderaient logiquement et qui auraient permis à la philosophie de surmonter les obstacles qu’elle trouvait sur sa route.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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