EXISTENCE PHILOSOPHIES DE L'
Sans doute l'idée d' existence est-elle une très ancienne idée.
Chez Platon, le même mot, ousia, désigne l' essence et l'existence, et l'on peut dire que la théorie platonicienne des essences est critiquée par Aristote en faveur d'une théorie de l'existence, de l'existence faite de forme et de matière. Mais un des exemples que prend Aristote nous amène à nous demander s'il n'y avait pas un double courant dans la pensée de son maître ; car, s'il expose une théorie des idées, c'est-à-dire une théorie des essences, Platon tourne d'abord sa pensée vers un existant : Socrate, dont la vie et la mort lui furent un exemple et une incitation à philosopher.
Quelques siècles plus tard, saint Augustin regarde Jésus un peu à la façon dont Platon considérait Socrate. En Jésus l'essence divine revêt, pour ainsi dire, l'existence mortelle. Saint Augustin préserve ce qu'on a pu appeler l'idéalisme platonicien, mais c'est de façon existentielle qu'il formule son interrogation sur le temps, sur l'homme dont l'existence est intermédiaire entre celle des animaux et celle des anges.
Durant tout le Moyen Âge, c'est d'abord au sujet de Dieu que fut posé le problème de l'existence ; et cette position du problème eut ses répercussions bien après, jusque chez Kant où il s'agit du Dasein de Dieu que l'on s'efforce en vain de prouver par la raison théorique. Mais la méditation sur la raison pure théorique doit toujours être accompagnée (ou suivie) par une méditation sur la raison pure pratique et sur le jugement. Ici apparaît l'idée d'existence, et sous une double forme : d'une part, l'homme, l'homme existant véritablement, est celui qui obéit aux préceptes de la raison pratique ; d'autre part, par l'acte moral même s'ouvrent à tout homme les totalités existantes des organismes vivants et des œuvres humaines.
La découverte de l'existence
L'existence précède l'essence, telle est, d'après Jean-Paul Sartre, la formule qui permet de comprendre la formation des philosophies de l'existence. Cette formule peut servir de point de départ. Il convient cependant de remarquer qu'il serait faux de résumer les philosophies auxquelles celles de l'existence veulent s'opposer par la formule inverse : « l'essence précède l'existence ».
Martin Heidegger a critiqué la phrase de Sartre : l'homme, dit-il, est l'être dont l'essence est d'exister. Une autre remarque s'impose. Dans toutes les grandes philosophies, on trouve à l'œuvre l'existence. On discutera sans doute encore longtemps pour savoir si Platon a hérité de Socrate la théorie des Idées ; ce qu'on ne peut mettre en doute, c'est que la vie et la mort de Socrate aient été pour lui un thème de réflexion existentielle.
Quand Descartes écrit : « Je pense, je suis », c'est son existence d'être pensant qu'il affirme ; et ce n'est qu'après avoir prouvé l'existence de Dieu qu'il peut affirmer l'union de l'âme et du corps. Et c'est bien d'une telle union qu'il a conscience enfin.
C'est au moment où Kant montre qu'il y a une faille dans le raisonnement cartésien, qui va de la perfection de Dieu à son existence, qu'apparaît clairement l'idée de l'existence comme se distinguant de tous les autres prédicats que l'on peut attribuer à Dieu.
C'est encore plus tard que l'idée d'existence résonnera profondément, et ce sera dans l'esprit de Sören Kierkegaard. Pourquoi cette résonance ? Kierkegaard ne porte son attention sur Descartes que pour prendre le contre-pied du « je pense, je suis », et écrire : « Plus je pense, moins je suis, et moins je pense, plus je suis.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean WAHL : professeur honoraire à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Médias
Autres références
-
EXISTENCE (notions de base)
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 3 075 mots
Ce n’est qu’au xxe siècle que la notion d’existence a pris une place centrale en philosophie avec le courant « existentialiste », dont la thèse a été formulée de façon particulièrement elliptique par Jean-Paul Sartre (1905-1980) : « L’existence précède l’essence. » Mais si cette...
-
ABBAGNANO NICOLA (1901-1990)
- Écrit par Sergio MORAVIA
- 873 mots
Esprit extrêmement précoce, Abbagnano débute sur la scène intellectuelle dans les années 1920 – un début caractérisé par une vive, surprenante originalité. Dans Le Sorgenti irrazionali del pensiero (1923) et dans Il Problema dell'arte (1925), il repousse nettement le néo-idéalisme de...
-
AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA, Friedrich Nietzsche - Fiche de lecture
- Écrit par Philippe GRANAROLO
- 1 270 mots
En août 1881, au bord du lac de Silvaplana, proche du village de Sils-Maria, dans l’actuel canton suisse des Grisons où il passait ses étés, Friedrich Nietzsche (1844-1900) eut une illumination : la « vision du Retour Éternel » (parfois dénommée « vision de Surléï »), qui le conduisit quelques...
-
ANGOISSE EXISTENTIELLE
- Écrit par Jean BRUN
- 2 552 mots
- 1 média
...constituent et qui nous coupent la parole ? Telles sont les questions que pose la philosophie de Heidegger, philosophie de l'Être et non de l' existence : l'angoisse y est tenue pour cette relation de la réalité humaine au Néant qui en fonde les négations à partir de l'Être et qui fait d'elle... -
CONTINGENCE
- Écrit par Bertrand SAINT-SERNIN
- 4 900 mots
...l'homme, ou bien on en rend sa liberté responsable. La première version peut se rattacher à la précédente, et c'est certainement la seconde qui, dans les philosophies de l'existence, a l'importance la plus grande. Ainsi entendue, la contingence signifie la liberté humaine elle-même, se frayant un chemin... - Afficher les 45 références