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UN PHILOSOPHIES DE L'

L'Un au-delà de l'Être

Ainsi définie, la philosophie de l'Un au-delà de l'Être coïncide avec le néo-platonisme. On entend par cette dénomination, non pas n'importe quel platonisme, mais une école déterminée de commentateurs platoniciens, dont les grands maîtres sont Plotin (iiie s. apr. J.-C.), Porphyre, Jamblique (iiie-ive s.), Proclos (ve s.), Damascios (vie s.), Jean Scot dit Érigène (ixe s.). Leur enseignement est caractérisé par la place centrale qu'ils accordent au Parménide de Platon. D'après leur interprétation de la deuxième partie de ce dialogue, l'un passe au-dessus de l'affirmation s'il est visé dans sa pureté absolue, comme on l'a vu, et il retombe au-dessous si on le laisse se dissoudre en divers pur. Mais ces deux fonctions, en elles-mêmes inaffirmables, sont indispensables pour construire le réel, qui est fait de combinaisons graduées d'un et de multiple. L'Être est donc essentiellement totalité. Et le redoubler dans son origine reviendrait à transformer la question en réponse. L'origine ne saurait être un Tout, même infiniment concentré et autoconstituant. Dès lors, elle n'a même pas l'unité comme attribut, puisqu'on ne pose l'unité qu'en la rapportant à la multiplicité (ne serait-ce que pour l'exclure), et donc jamais comme un absolu. L'Un n'est plus qu'un symbole et une fonction, mais il devient la première figure du Principe. Dans ces conditions, on doit s'interroger sur les raisons de ce privilège. Pourquoi les néo-platoniciens préfèrent-ils l'Un à l'Être pour désigner l'Ineffable ? On peut en découvrir trois raisons.

La première raison est d'ordre historique. Elle réside dans une fidélité. Les néo-platoniciens se veulent, à travers Platon, les héritiers de Parménide et de Pythagore, qu'ils regardent comme des maîtres divinement inspirés. Bien entendu, cette vénération aboutit à un néo-parménidisme et à un néo-pythagorisme, puisqu'ils recueillent des traditions déjà revues et corrigées par une longue suite d'interprètes. C'est ainsi qu'ils reprennent ce terme « Un » pour désigner l'exigence suprême dont Parménide s'était fait le héraut.

Mais cet « Un » évoque également les méditations pythagoriciennes sur les nombres. C'est de là et non des analogies de la fabrication artisanale que les pythagoriciens du ier siècle avant J.-C. avaient tiré l'esquisse d'une procession intégrale des choses à partir d'une origine unique. Si les choses sont assimilées aux nombres, et si les nombres sont tous engendrés par la monade déterminante et la dyade indéterminée, elles-mêmes dérivées d'un Principe unique, on peut croire que tout part de l'Un pour s'y résoudre. Le nombre, en effet, pour les néo-pythagoriciens, c'est l'un qui se multiplie et la multiplication qui se laisse ressaisir par l'unité formatrice pour donner la totalité. La genèse du nombre apparaît ainsi comme la révélation de la loi de l'univers et de la pensée. Et le point de départ de celle-ci, l'Un dont l'unité mathématique est le symbole, ne se livre que dans une sorte de présence mystique.

On a d'abord l'impression que, parmi les métaphysiciens modernes, Spinoza appartient à cette lignée. En fait, le spinozisme est difficile à situer. Il serait une philosophie de l'Un si l'on considérait seulement sa théorie de la procession, qui s'apparente à la génération mathématique dans l'identité du possible et du réel et dans l'immanence des dérivés à leur principe. Mais il demeure une philosophie de l'Être dans la mesure où il part d'une auto-affirmation qui concentre en sa plénitude une infinité de perfections positives et qui est celle d'une totalité complexe.[...]

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