NATURE PHILOSOPHIES DE LA
Dans son étude sur Les Philosophies de la nature, Michel Ambacher distingue la « philosophie naturelle » de la « philosophie de la nature », et il entend la première « au sens où Galilée et Newton, Comte ou Darwin ont parlé d'une philosophie naturelle. C'est-à-dire sous l'aspect d'une connaissance globale et objective des diverses catégories de phénomènes qui composent le monde ». Quant aux philosophies de la nature, écrit-il encore, « des doctrines comme celles de Leibniz ou de Berkeley, de Schelling, de Hegel ou de Bergson [...] ont tenté de revaloriser, à l'encontre des représentations mécaniques et abstraites, une approche qualitative et intuitive de la nature ».
Physique et philosophies de la nature
D'un point de vue historique, il semble que cette distinction n'ait pas toujours existé, si l'on admet que les penseurs présocratiques furent indissolublement physiciens et philosophes de la nature, eux qui cherchèrent l'Archè, le principe des choses, s'interrogèrent sur leurs éléments, terre, air, eau ou feu, ainsi que sur leurs modes de composition et de séparation. Ainsi, l'idée de transformation, de devenir de la nature, est présente aux origines de la pensée philosophique, et sera reprise par les philosophies ultérieures, principalement la Naturphilosophie du xixe siècle allemand. Parmi ses prédécesseurs présocratiques, Aristote distingue cependant les théologiens des physiciens, tel Anaxagore. On pourrait dire que le physicien explique la nature à partir d'elle-même, par des principes qui lui soient immanents ; plus tard, Schelling, dans ses Idées pour une philosophie de la nature, affirmera précisément que « nous détruisons toute idée de nature en y faisant pénétrer la finalité du dehors, à partir de l'entendement d'un Être transcendant ».
Pour Aristote, la physique est « philosophie seconde », à côté de sa « philosophie première », nommée ensuite Métaphysique. Car la métaphysique traite de « quelque chose d'éternel, d'immobile et de séparé », alors que la physique traite « de cette sorte de substance qui possède en elle le principe de son mouvement et de son repos » (Métaphysique E 1). Sur ce point, Heidegger estime pourtant que « la méta-physique est dans un sens tout à fait essentiel une “physique” – autrement dit un savoir de la ψυσις » – et que « la métaphysique est tout autant “physique” que la physique est “métaphysique” (« Ce qu'est et comment se détermine la Physis », in Questions II, Gallimard, pp. 182-183, 1968).
La physique aristotélicienne se veut science de la nature, et, en ce sens, Aristote étudie le lieu, le temps, l'infini et les différentes espèces du mouvement énoncées dans ses Catégories mais encore le nombre des principes, les qualités telles que le chaud et le froid, l'humide et le sec, ou les couleurs, la matière et la forme, les causes, le mécanisme et la finalité, etc. On ne peut donc se contenter de dire que sa physique n'est qu'un discours sur la nature, comme si la technicité de l'analyse n'était que l'apanage de la physique moderne. Aristote est également naturaliste par l'enquête qu'il a menée dans des domaines aussi différents que la cosmologie (Traité du ciel), la biologie (Histoire des animaux), la psycho-physiologie (De l'âme, De la sensation et des sensibles), etc.
Au xviie siècle, la physique de Descartes se présente encore comme une conception d'ensemble de la nature, exposée dans Le Monde ou Le Traité de la lumière ou encore Les Principes de la philosophie. Dans ce dernier ouvrage, Descartes ne reconnaît « aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose ». Le mécanisme géométrique s'impose ici, par « figures, grandeurs et mouvements[...]
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Écrit par
- Maurice ÉLIE : maître de conférences de philosophie, université de Nice
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