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NATURE PHILOSOPHIES DE LA

Après la « Naturphilosophie »

Sylvain Auroux parle, dans Barbarie et philosophie, de la « véritable cassure disciplinaire de la philosophie » à partir de la « dernière philosophie de la nature », celle de l'idéalisme allemand. Il pose ainsi un nouveau problème de délimitation quant à la définition de ce que l'on pourrait légitimement considérer comme étant une authentique philosophie de la nature. Peut-on en effet ignorer ce qui a été expressément intitulé de la sorte par Wilhelm Ostwald (Vorlesungen über Naturphilosophie, 1902), ou Nicolai Hartmann (Philosophie der Natur, 1950), pour ne citer qu'eux ? Il faut donc croire que la Naturphilosophie du xixe siècle allemand a fourni le paradigme des philosophies de la nature, auquel il faudrait rapporter toute production en ce domaine, afin de juger de son authenticité. On pourrait, par exemple, distinguer entre philosophies de la nature, telles qu'elles ont été définies plus haut, et philosophies de la physique, où se sont illustrés de grands physiciens, tels que Eddington, Erwin Schrödinger ou Werner Heisenberg (bien que son ouvrage le plus connu en la matière soit intitulé La Nature dans la physique contemporaine). On peut également soutenir que le courant de la Naturphilosophie ne s'est jamais interrompu en Allemagne, comme l'attestent précisément les noms d'Ostwald ou de Hartmann.

Il a été dit que Schopenhauer s'est opposé aux Naturphilosophen. Il parle des « abus de la Naturphilosophie à l'époque de Schelling », c'est-à-dire de sa tendance théologique, « Dieu, naissant de son fond[Grund]ténébreux ou de son absence de fond[Ungrund] ». Il interprète les phénomènes naturels en tant qu'objectivation de la volonté, au livre II du Monde comme volonté et comme représentation, ainsi que dans La Volonté dans la nature. Il considère la volonté, c'est-à-dire l'essence de toute chose, à travers les degrés successifs du règne minéral, végétal et animal, jusqu'à l'homme, en qui la volonté « s'affirme, puis se nie ». Après lui, Nietzsche lui-même a été tenu pour un Naturphilosoph, grâce à l'interprétation de certains aspects de son œuvre (on ne saurait oublier qu'il a écrit dans Le Gai Savoir : « Gardons-nous de penser que le monde soit un être vivant. Comment se développerait-il ? De quoi se nourrirait-il ? »). Bergson, enfin, affirme dans Matière et Mémoire que « la science revient, en dépit des apparences [...], à l'idée de la continuité universelle », et son Évolution créatrice, avec la notion d'« élan de vie », peut être lue tout entière comme une œuvre de philosophie de la nature. Comme Schopenhauer, il est très attentif aux manifestations de l'instinct et de l'intelligence animale, afin d'en tirer des conclusions quant aux pouvoirs de la perception, puis de la conduite consciente. Lorsqu'il parle de « ce qu'il y a d'artificiel dans la forme mathématique d'une loi physique », il rappelle, à tout le moins, l'antimathématisme des Naturphilosophen.

Erwin Schrödinger, qui a été cité en tant que physicien, s'interroge de son côté sur les rapports de la science à la vie de l'esprit : « Le monde matériel n'a été construit qu'au prix d'une exclusion du moi, c'est-à-dire de l'esprit. » Il parle aussi du « mystère des qualités sensibles », et affirme qu'« on ne peut rendre compte de la sensation de couleur par le modèle objectif des ondes lumineuses que le physicien possède ». On peut, si l'on veut, parler d'un spiritualisme ou d'un humanisme de Schrödinger, parallèle, en somme, à la prise en considération de l'observateur en physique quantique.

Des positions identiques ont été soutenues de manière bien plus organisée par Alfred North[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences de philosophie, université de Nice

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