PHOBIE (psychanalyse)
La névrose phobique de l'adulte
La « névrose phobique de l'adulte » (expression généralement préférée, à l'heure actuelle, à celle d'hystérie d'angoisse) n'est pas forcément la simple réactualisation d'une phobie infantile. Le fait de retrouver dans l'anamnèse d'un névrosé un tel phénomène (presque constant dans l'enfance) ne donne pas encore la clé qui permet de comprendre l'organisation secondaire ou tardive d'un syndrome névrotique. La différence se comprend aisément si l'on oppose une crise de maturation chez l'enfant et un échec de maturation chez l'homme. C'est en passant par la description sommaire des manifestations les plus classiques de névrose à thème phobique qu'on pourra définir les enjeux inconscients qui se trouvent en cause.
Agoraphobie et claustrophobie
L'agoraphobe (C. Westphall, 1871) a souvenir du jour où, dans une rue trop large, ou devant quelque étendue trop vaste, il a été pris d'un malaise indéfinissable et insurmontable : angoisse, palpitations, sueurs profuses, sentiment d'impuissance et de déréalisation du monde environnant, etc. Depuis, il doit borner ses sorties à un périmètre étroitement délimité. En outre, il vit dans la dépendance puérilement exigeante d'une présence familière et protectrice (mère, conjoint). Il s'ensuit évidemment un renoncement à tout ce qui, dans une vie adulte et responsable, s'appuie sur une aptitude assumée à l'autonomie et à la liberté. Toutes les observations concourent à démontrer que l'accès premier n'est pas venu dans n'importe quelles circonstances, mais qu'il peut être relié à une situation traumatisante, à une blessure affective, à une modification imprévue, ou trop chargée de sens, dans la vie sexuelle, familiale ou sociale du patient.
On retrouvera dans l'enfance et l'adolescence les lignes de fragilisation du moi et de l'imago du corps sexué, à partir des particularités de la constellation familiale, des avatars de la puberté, des rencontres de l'immaturité avec la réalité sexuelle. Que la solitude de la rue soit pour l'agoraphobe synonyme de menace de séduction sexuelle ou que la perte d'un décor familier (qui sert de miroir) prive le malade d'une référence visuelle qui l'assure dans le « sentiment d'être soi dans son corps », il ne s'agit là que des deux versants d'un même problème.
Le claustrophobe (B. Ball, 1879) pose apparemment le problème inverse. Il lui faut toujours avoir en main la clé qui lui permettra de sortir de tout espace clos ou de toute situation contraignante, métaphoriquement verrouillée. Ainsi témoigne-t-il, dans son intuition angoissée, de ce qui pourrait le mettre à la merci d'une loi sans appel, vu la précarité de son statut subjectif. Mais l'issue de secours, dont il tient à toujours vérifier l'existence, est-elle liée à l'implacabilité des lois mauvaises qui l'incarcèrent, ou vient-elle tout autant d'un désir inconscient de retour à une passivité première ? Ici, les thèmes sexuels s'inscrivent à un double niveau : échapper à la loi de l'autre et échapper à soi-même. La tentation masturbatoire chez l'enfant est un danger qui vient de l'intérieur, surtout si elle est maladroitement culpabilisée par l'entourage ; mais certaines formes d'amour maternel captatif, enveloppant et sourd, enferment l'enfant dans un claustrum à la fois fascinant et étouffant. Le « passe-partout » libérateur, réclamé comme réassurance, témoigne rétrospectivement de l'impossibilité de la communication avec l'autre. Mais le portier défaillant, c'est également le tiers paternel, récusé à la fois par la mère et par l'enfant. Aussi les claustrophobes n'exigent-ils la clé de leur prétention solitaire de[...]
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Écrit par
- François PERRIER : ancien chef de clinique à la faculté de médecine de Paris, psychanalyste
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