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PHONÈME

L'étude des sons utilisés dans la communication humaine constitue l'objet de la phonétique. La phonétique expérimentale remonte à la fin du xviiie siècle, et la phonétique historique a servi de base, au xixe siècle, aux reconstitutions des grandes familles de langues, comme celle des langues indo-européennes. Science de la face matérielle des sons du langage, la phonétique s'intéresse uniquement à la réalisation concrète de ces sons, indépendamment de leur fonction linguistique et de leur rapport à la signification. C'est vers 1930, dans les Travaux du Cercle linguistique de Prague, que furent formulés pour la première fois les principes directeurs de la phonologie, qui se donnait pour objectif d'étudier les sons du langage du point de vue de leur fonction dans le système de communication linguistique.

Un système d'oppositions

La phonologie, qui s'inscrit à son origine dans la tradition structuraliste, entend décrire le système phonologique de chaque langue, c'est-à-dire l'ensemble des relations entre les unités appelées « phonèmes » : « définir un phonème, c'est indiquer sa place dans le système phonologique, ce qui n'est possible que si l'on tient compte de la structure de ce système », déclare Nicolas Troubetzkoy, l'un des pionniers de la phonologie. Le phonème est la plus petite unité (dépourvue de sens) isolable sur la chaîne parlée, qui permet de constituer des unités significatives et qui est elle-même analysable en traits distinctifs. Dans ses Principes de phonologie (1939), Troubetzkoy explicite la méthode permettant d'identifier les phonèmes d'une langue. On recherche d'abord les oppositions phoniques reconnues par les locuteurs de la langue comme sous-tendant des signes distincts (par exemple, en français, entre « ni » et « nu »), puis le mode de réalisation de cette opposition (ici la position des lèvres, rétractées pour « ni », arrondies pour « nu » : on dira dans ce cas que la labialisation constitue en français un trait distinctif, ou trait pertinent). De proche en proche, c'est l'ensemble des phonèmes de la langue qui, tels le « i » de « ni » et le « u » (noté /y /) de « nu », sont ainsi dégagés.

Chaque langue possède un nombre restreint de phonèmes (de l'ordre de quelques dizaines). Ainsi le système vocalique du français comporte-t-il treize voyelles (dont trois nasales), qui sont analysables en seulement quatre traits distinctifs : la nasalité (opposition entre voyelles nasales et voyelles orales), le point d'articulation (opposition entre voyelles d'avant comme /i / et voyelles d'arrière comme /e /), la labialisation (opposition entre voyelles à lèvres rétractées comme /i / et voyelles à lèvres arrondies comme /y /) et l'aperture (opposition entre voyelles fermées comme /i / et voyelles ouvertes comme /a /). Il s'agit donc bien de la réalisation d'un système en tant que tel : on ne cherche pas à décrire exhaustivement les faits physiques, mais on vise au contraire la simplicité.

L'ensemble des possibilités de différenciation observées dans une langue n'est pas toujours réalisé dans les productions effectives par les locuteurs. C'est ainsi que dans un mot comme « événement », le timbre de la seconde voyelle peut varier de nettement fermé à très ouvert : on parle alors de neutralisation de l'opposition entre /e / et /ε /. Dans d'autres cas de neutralisation, le choix d'une réalisation est imposé par l'environnement immédiat : ainsi devant /r / en fin de mot, on ne peut avoir que la voyelle ouverte (comme dans « mère ») ; on parle alors de variante combinatoire, ou encore d'allophone. Dans des cas de ce genre, on est amené à poser l'existence d'un archiphonème (ici noté /E /[...]

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