PHONÉTIQUE
La phonétique est définie, à peu près unanimement, comme « l'étude des sons du langage ». Cet accord, sur une formule particulièrement vague, ne suffit pas à masquer les dissensions profondes qui se manifestent lorsqu'il s'agit de préciser l'objet, les méthodes, en somme le statut scientifique de cette discipline et, par là même, les rapports qu'elle entretient avec les sciences connexes. Toute la problématique qui surgit ainsi constitue un raccourci particulièrement représentatif des problèmes épistémologiques posés, dans le contexte scientifique contemporain, par la délimitation du domaine de certaines sciences d'autonomie récente (surtout des « sciences humaines ») dont l'évolution des conceptions internes a été particulièrement rapide depuis de début du xxe siècle. La phonétique fait-elle partie des sciences humaines ou des sciences naturelles ? Est-elle, partiellement, une science abstraite (de la forme linguistique), ou, exclusivement, une science concrète (de la substance sonore) ? L'existence d'un aspect théorique (surtout linguistique) et d'un aspect expérimental (utilisant des moyens techniques perfectionnés et des méthodes d'investigation empruntées aux sciences physiques) remet-elle en question l'unité de cette discipline et son intégration dans le domaine linguistique ? Les réponses, souvent divergentes, à ces questions conduisent à s'interroger sur la validité des compartimentages établis. Mais, plus encore, tout cela rend difficile la détermination d'un dénominateur commun à des activités très différentes les unes des autres. Les derniers congrès des « sciences phonétiques » (pluriel qui est déjà en lui-même une prise de position non équivoque) ont encore renforcé cette impression d'extrême diversité des recherches qui se réclament, à l'heure actuelle, de la phonétique.
Seule une approche historique permettrait de déterminer comment la phonétique, après avoir considéré plusieurs fois et de façons différentes les rapports entre la théorie, les méthodes et les faits, est parvenue à surmonter ses contradictions internes. Si, pour répondre à des besoins nouveaux selon les époques, elle a pu privilégier, dans un contexte scientifique donné, tel ou tel domaine de recherche, ses préoccupations successives, toutes représentées dans la situation actuelle (même si elles prennent la forme d'étroites spécialisations), aboutissent à une connaissance plus complète de l'acte de parole dans sa production, sa transmission, sa réception et son fonctionnement linguistique (ce dernier étant envisagé soit sous son aspect actuel, soit tout au long de son évolution historique).
Pourtant, ce n'est pas de cette apparente convergence que provient l'unité de la phonétique, mais plutôt d'une meilleure appréhension de son objet liée aux récents développements des théories linguistiques. L'unicité de l'objet – étude du signifiant linguistique en tant que tel et non pas comme un moyen pour améliorer la connaissance d'autres phénomènes – permet alors de concevoir la phonétique comme une discipline linguistique et de la distinguer d'autres sciences auxquelles elle emprunte accessoirement certaines de leurs méthodes d'analyse (la physiologie, l'acoustique, la psychologie par exemple).
Production et transmission de la parole
Genèse des sons
La classification du matériel sonore et la terminologie phonétique la plus courante (celle de l'alphabet phonétique international) sont fondées en grande partie sur des données anatomiques et physiologiques : les organes de la parole et les conditions dans lesquelles ils produisent les sons du langage. Ces conditions de production, observées d'abord empiriquement, ont été mieux connues, depuis la fin du xixe siècle, grâce aux progrès de la physiologie[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Denis AUTESSERRE : maître assistant à la faculté des lettres d'Aix-en-Provence
Classification
Médias
Autres références
-
ACCENT, linguistique
- Écrit par C.-H. VEKEN
- 846 mots
On rencontre sous la rubrique « accent » des phénomènes très divers, ce qui est souvent source de confusion. En général, il s'agit de phénomènes d'ordre phonique qui consistent à donner un certain relief à telle ou telle partie de la chaîne parlée (syllabe, mot, syntagme,...
-
AMUÏSSEMENT
- Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
- 75 mots
Disparition de la prononciation d'un phonème dans l'évolution phonétique d'une langue (en français, le e muet). Ce phénomène a un caractère diversement contraignant, mais lorsqu'il s'impose à la totalité des usagers d'une langue (comme par exemple en uruguayen, par rapport au castillan,...
-
CAUCASE
- Écrit par André BLANC , Georges CHARACHIDZÉ , Louis DUBERTRET , Encyclopædia Universalis et Silvia SERRANO
- 17 147 mots
- 4 médias
Les langues caucasiques sont connues pour leur richesse exceptionnelle en phonèmes (c'est-à-dire en sons qui diffèrent les uns des autres de manière fondamentale, et non par des nuances de prononciation) : l'oubykh en a 82, l'abkhaze 67, les langues du Daghestan de 40 à 50 ; même les moins pourvues,... -
CHUINTANTE CONSONNE
- Écrit par Louis-Jean CALVET
- 109 mots
On appelle consonnes chuintantes des fricatives dont le point d'articulation est compris entre les alvéoles et le début du palais (de postalvéolaire à prépalatal) : la sourde, [∫], apparaît en français à l'initiale de chat, et la sonore, [ž], à l'initiale de jeu. Phonologiquement,...
- Afficher les 34 références