PHONOLOGIE ARTICULATOIRE
La phonologie articulatoire est une théorie phonologique, proposée dans les années 1980 par Cathy Browman et Louis Goldstein, qui s’appuie sur des observations empiriques. Elle a été influencée par les idées de Sven Öhman et de Carol Fowler sur la coproduction (production simultanée) des consonnes et des voyelles. La phonologie articulatoire propose une décomposition du mouvement continu des articulateurs produisant la parole en unités discrètes et combinables, qui permettent de générer tous les mots d’une langue donnée. Ces unités sont des spécifications dynamiques abstraites (en termes de systèmes dynamiques masse-ressort) de gestes articulatoires vers ou à partir d’une constriction du conduit vocal. Il est tentant de les rapprocher des primitives de la perception de parole que postule la théorie gibsonienne de perception directe réaliste de Carol Fowler : les actions élémentaires pour produire la parole plutôt que les patterns acoustiques parvenant à nos oreilles. À la différence des segments ou des traits des phonologies « classiques », les gestes sont à la fois unités de représentation mentale et unités d’action dans le programme articulatoire de production des énoncés. Ce double rôle des gestes évite le besoin d’une interface coûteuse entre phonologie (représentations abstraites) et phonétique (réalisations concrètes) que les phonologies classiques requièrent. Le geste est donc le concept central de la phonologie articulatoire.
Gestes articulatoires
Un geste est défini de façon à la fois abstraite et réaliste, par une « structure coordinative » (jeu d’articulateurs) et des « variables de conduit vocal » spécifiant les paramètres d’une séquence constriction-relâchement du conduit oral ou bien ouverture-fermeture du velum ou de la glotte. Ainsi, le geste d’occlusion bilabiale met en jeu la structure LIPS (lèvres), où sont coordonnées lèvres inférieure et supérieure et mâchoire ; il est spécifié par les valeurs de deux variables de conduit vocal, CD et CL (degré et lieu de constriction) : CD = close (fermé) et CL = labial. Le caractère discret des gestes tient à deux aspects : d’abord, l’ensemble des structures coordinatives est fini (LIPS, TT et TB : pointe et corps de la langue ; VEL et GLO : velum et glotte) ; puis les valeurs des variables de conduit vocal entrent dans un nombre fini de catégories (par ex., close [fermé], critical[critique], narrow [étroit], mid [moyen], wide [large] pour CD, ce qui permet de différencier occlusives, fricatives, approximantes, et trois degrés d’ouverture pour les voyelles). Il n’y a pas de correspondance un pour un entre phonèmes et gestes. Ainsi, la consonne /m/ correspond à deux gestes : un geste d’occlusion bilabiale et un geste d’ouverture-fermeture du velum.
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Écrit par
- Ioana CHITORAN : professeure des Universités
- Pierre HALLÉ : directeur de recherche au CNRS
Classification
Médias