PHONOLOGIE
La conscience phonologique
Cette description des phonèmes et du système phonologique d'une langue donnée a été appréhendée du point de vue de la compétence du locuteur, par des psycholinguistes et des phonéticiens, afin de mieux comprendre les processus d'apprentissage de la lecture.
La conscience phonologique se compose d'une capacité d'identification et d'une capacité de discrimination des éléments phonologiques. Elle est évaluée au moyen d'exercices portant sur des mots ou des logatomes (mots qui présentent une structure phonologique conforme à une langue donnée, mais dépourvus de significations dans cette même langue). Il s'agit par exemple d'être capable, à l'oral, de reconnaître l'intrus dans une suite de mots, ne commençant pas par le même phonème, comme dans « ballon, bateau, marteau », ou ne présentant pas le même phonème intervocalique comme dans « bateau, landau, manteau », ou encore le même phonème en position finale, comme dans « ballon, chapeau, marteau » (l'intrus est ici en italique).
Cette approche particulière de la phonologie débute avec les travaux de L. Bradley et P. E. Bryant en 1978. Ces auteurs comparent des enfants dyslexiques âgés de dix ans à des témoins âgés de sept ans, à partir de tâches portant sur la capacité de jugement du matériel phonologique, à savoir la détection d'intrus. Les résultats prouvent que les enfants dyslexiques rencontrent de nombreuses difficultés dans ce type de tâche par rapport aux enfants normo-lecteurs.
Les travaux de Morais & al. (1979) auprès d'adultes illettrés montrent clairement une corrélation entre les capacités de lecture et les capacités en conscience phonologique. Dès lors, les travaux s'orientent dans deux directions : une meilleure connaissance de la conscience phonologique ; des études sur les liens de causalité existant entre la compétence phonologique et l'apprentissage de la lecture.
Les travaux de I. Liberman (1982), J. Morais (1987), et J. E. Gombert (1992), quant à eux, permettent de distinguer une conscience phonologique implicite d'une conscience phonologique explicite. La première repose essentiellement sur des unités phonologiques larges (par comptage syllabique, par exemple) ou des évaluations de rimes portant sur des segments vocaliques. La deuxième porte sur la discrimination et l'identification des phonèmes consonantiques dans des syllabes comprenant une consonne (comme /ba/ « bas ») ou plusieurs consonnes enchâssées (comme /gro/ « gros“). La conscience phonologique implicite est liée à la pratique de la langue mais ne nécessiterait pas un apprentissage formel. La conscience phonologique explicite, liée également à la pratique de la langue, repose, elle, sur un apprentissage formel, celui de la lecture et de l'écriture : le locuteur ne prendrait conscience des segments consonantiques que par l'analyse explicite de sa langue. Cette distinction a permis de mieux situer les difficultés des enfants lors de l'apprentissage de l'écrit : s'agit-il de confusions phonologiques (une mauvaise identification des phonèmes à un niveau implicite), ou s'agit-il d'une mauvaise manipulation explicite des unités ?
Existe-t-il alors une relation causale entre acquisition de la lecture et conscience phonologique ? L'idée généralement admise est que les capacités en conscience phonologique permettent l'acquisition du langage écrit (H. Wimmer & al., 1981). Un suivi des enfants entre C.P. et C.M.2 a montré la pertinence d'un entraînement de la conscience phonologique sur l'acquisition de l'écrit. Différents travaux dont ceux de I. Lundberg & al. (1988) attestent la pertinence de l'entraînement de la conscience phonologique explicite : le groupe d'enfants ayant reçu un entraînement présente une nette supériorité dans les performances[...]
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Écrit par
- Jean Léonce DONEUX : professeur de sciences du langage à l'université de Provence, Aix-Marseille-I
- Véronique REY : linguiste, maître de conférences en sciences du langage, directeur du département des sciences du langage, Aix-en-Provence, université de Provence-Aix-Marseille-I
- Robert VION : docteur d'État, professeur de linguistique générale à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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