PHOTOGRAPHIE (art) Photographie et peinture
La « photographie pure »
La photographie pure met en jeu la tension entre l'apparence du monde extérieur et la personnalité de celui qui la met en scène. L'histoire générale de la vision, et plus particulièrement la trajectoire de l'art moderne, rendent opérationnelle cette notion. La photographie pure s'oppose directement au pictorialisme, ce que résumera Marius de Zayas, un ami de Stieglitz, dans le no 42-43 de Camera Work : « La photographie n'est pas l'art mais on peut en faire quelque chose d'artistique. Il existe une différence entre la photographie et la photographie d'art : tandis que, dans la première, on recherche cette objectivité de la forme qui engendre les différentes conceptions que l'homme a de celle-ci, dans le second cas, on utilise l'objectivité de la forme pour exprimer une idée préconçue et aussi faire partager une émotion. Moyen d'information d'une part, moyen d'expression d'autre part. » Ces nouveaux créateurs s'efforcent d'utiliser toutes les possibilités contenues dans l'appareil (réglage de l'objectif, découpage, durée de la prise de vue, etc.), mais aussi de prendre en compte l'effet produit par l'épreuve. Ce n'est que progressivement que cette photographie pure laissera transparaître sa dimension subjective qui, dans un premier temps, surprend essentiellement par son purisme, voire son abstraction. En effet, voulant révéler la spécificité de leur pratique, les Américains recherchent l'image immédiate, quasi automatique, où le désir de la représentation se confond avec l'élaboration de la représentation, une image arrachée à l'espace et au temps réels, un dessin obtenu directement par le travail de la lumière.
Les Russes comme El Lissitzky et surtout Rodtchenko arriveront à une utilisation semblable de la photographie après avoir dépassé les limites de la peinture, dans les derniers tableaux de Rodtchenko, des monochromes datés de 1921. Voulant mettre la création au service de la vie quotidienne, dans le contexte du constructivisme qui les amène à la publicité et à la propagande, ils prennent conscience de la puissance de l'image figurative reconstruite. Ayant abordé la photographie à travers le photomontage, Rodtchenko y trouve le moyen de montrer la réalité en obligeant à l'analyser d'un point de vue nouveau, non comme un miroir mais comme « l'organisateur de la conscience populaire ». Introduisant dans l'appareil sa vision formaliste, si volontairement déterminée que des dessins peuvent précéder la prise de vue, il considère la photographie comme l'art de notre temps par sa capacité à renouveler la conscience que l'artiste a du réel.
Au moment où l'on parle du déclin de l'art figuratif, la photographie, mue par de tels regards, devient le moyen mécanique parfaitement adapté à la traduction du monde industriel, tout en favorisant aussi l'expression de la subjectivité et même d'une pensée politique. Le même poids de réalité oriente la peinture et la photographie d'Américains comme Charles Sheeler, Edward Hopper ou Ben Shahn, ou explique l'analogie entre la photographie d'un Edward Weston et la peinture d'une Georgia O'Keeffe, la compagne de Stieglitz.
Parallèlement, dans le contexte du dadaïsme puis du surréalisme, la photographie apparut comme un moyen privilégié pour donner des images de l'invisible. Moholy-Nagy voyait avec raison deux orientations dans la photographie : le travail documentaire – c'est-à-dire lié au réel – et « une image lumineuse qui réponde au sentiment profond de la vie intérieure ».
C'est à New York, dans le cercle de Marcel Duchamp, que la photographie « imaginaire » apparaît pour la première fois. Pour celui-ci, l'idée compte plus que l'objet – elle seule en justifie[...]
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Écrit par
- Jean-Luc DAVAL : doyen de l'École supérieure d'art visuel, Genève, chargé de cours, département histoire de l'art, université de Genève
Classification
Médias
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