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PHOTOGRAPHIE Histoire des procédés photographiques

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La chronologie du processus d'invention de la photographie est antérieure de plusieurs siècles à sa période de divulgation. C'est grâce aux avancées significatives de l'optique et de la photochimie, en particulier aux xviie et xviiie siècles, que l'élaboration d'un dispositif fiable d'enregistrement de la lumière est rendue possible au début du xixe siècle.

Analysée sous l'angle de l'évolution technique, l'histoire de la photographie s'inscrit de manière cohérente dans le mouvement plus global des révolutions industrielles qui se traduisent par une accélération du progrès technique affectant les modes de production et de consommation.

Le processus d'invention

D'une manière générale, la photographie peut être définie comme un procédé physico-chimique de reproduction qui met en œuvre un dispositif optique associé à un matériau sensible dont les propriétés physiques ou chimiques sont modifiées par l'absorption de lumière. La première série lexicale cohérente, articulée autour du mot photographie, est proposée par l'astronome britannique John Herschel (1792-1871) dès 1839. Elle est construite à partir de l'association des racines grecques phôtos (lumière) et graphein (écriture). Employé en concurrence avec héliographie (du grec helios, soleil) ou encore l'anglais photogenic (dessins photogéniques de Fox Talbot), le terme photographie finira par s'imposer à partir des années 1850 pour désigner l'activité, en tant que telle, et les produits qui en résultent.

L'invention de la photographie emprunte deux pistes distinctes :

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– l'optique, qui permet de transformer la camera obscura (chambre obscure ou chambre noire), initialement destinée au dessin, en un dispositif de prise de vue ;

– la photochimie, qui met en œuvre un matériau sensible à la lumière.

Le concept de chambre noire remonte à l'Antiquité. Dans un de ses traités de philosophie naturelle, Aristote (385 env.-322 av. J.-C.) évoque la possibilité d'observer directement certains phénomènes célestes, comme le mouvement solaire, dans une pièce obscure au fond de laquelle on recueille une projection inversée de la réalité extérieure grâce à la lumière transmise par une petite ouverture. Ce dispositif sera régulièrement employé au Moyen Âge pour se prémunir des lésions rétiniennes liées à l'observation directe des éclipses du soleil. À la Renaissance, ses performances sont améliorées par l'introduction d'une lentille biconvexe, puis par le montage d'un diaphragme placé au contact de la lentille. Au xviie siècle, les perfectionnements successifs apportés à la camera obscura, comme la mise en place d'un miroir incliné à 45 degrés permettant de restituer l'image fournie sur un plan horizontal, en font une « machine à dessiner » dont l'usage se répand auprès des peintres et des dessinateurs. Sous cette dernière forme, la camera obscura a incontestablement suscité, auprès de certains de ses utilisateurs, le besoin d'un outil encore plus performant pour les relevés exécutés d'après nature, et a participé à la mise en place d'un besoin de la photographie.

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Parallèlement aux investigations se rapportant à l'optique, il est possible de reconstituer le cheminement qui a conduit à la découverte, puis à la maîtrise, d'un matériau photosensible. Cette quête croise celle des alchimistes qui, particulièrement actifs au Moyen Âge, sont les premiers à établir un inventaire des ressources naturelles contenues dans le sol et dans l'air, afin de disposer des matières premières nécessaires à leurs opérations de transmutation. Les effets supposés de l'activité solaire, et plus généralement des considérations cosmologiques, mêlées d'ésotérisme et d'hermétisme, se situent au cœur des stratégies alchimistes. Les composés soufrés, le mercure et les métaux précieux (or, argent, platine...), qui serviront ensuite à la mise en œuvre de procédés photographiques majeurs, sont à la base de leurs activités métallurgiques. Tous ces produits sont utilisés dans la quête du Grand Œuvre devant conduire à la synthèse de la pierre philosophale. En 1725, Johann Heinrich Schulze (1687-1744) met en évidence le rôle de la lumière dans les phénomènes de noircissement observés sur le nitrate d'argent. Trente années plus tard, Giovanni Battista Beccaria, dit Beccarius (1716-1781), arrive à des conclusions identiques à propos du chlorure d'argent, connu sous l'appellation de lunea cornea (lune cornée) dans le répertoire cosmologique de l'alchimie et que l'on retrouvera dans les papiers à noircissement direct employés couramment durant la seconde moitié du xixe siècle. La première étude véritablement scientifique des effets de la lumière sur un papier imprégné de chlorure d'argent est réalisée en 1777 par le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele (1742-1786). Ces travaux, qui bénéficient des recherches réalisées par Isaac Newton (1642-1727) sur la nature complexe des rayonnements lumineux, exercent une forte émulation au sein de la communauté scientifique. Cette évolution des connaissances est rendue possible grâce à l'élaboration de dispositifs expérimentaux, sophistiqués pour l'époque, et d'appareillages de mesures permettant de quantifier, de façon pertinente, les résultats obtenus. Les sociétés savantes, qui veillent sur l'innovation scientifique, sont efficacement relayées par des périodiques qui assurent la vulgarisation des acquis. Les futurs inventeurs de la photographie, guidés par une démarche essentiellement technique privilégiant la mise au point et la fabrication d'outils et de procédés, bénéficient ainsi de ce progrès scientifique.

Dans les premières années du xixe siècle, profitant de ce contexte particulièrement favorable, l'idée de la photographie s'est incontestablement installée au sein des cercles scientifiques et techniques et son invention devient inéluctable. Cette évidence est renforcée par l'apparition de la lithographie, inventée par l'Allemand Aloys Senefelder (1771-1834) en 1795-1798. En renouvelant les formes traditionnelles de l'estampe (taille-douce, gravure à la pointe-sèche ou au burin, eau-forte...), la lithographie préfigure une forme de rendu photographique et y ajoute le grain qui apparaîtra, dans sa forme photographique, au xxe siècle, avec la généralisation des épreuves obtenues par agrandissement.

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