PHOTOGRAPHIE Sensitométrie
Une fois passé l'émerveillement d'avoir enfin obtenu les premières photographies, les pionniers entreprirent immédiatement des recherches et des investigations afin d'améliorer les procédés. Une problématique s'imposa d'abord à tous : l'assurance d'obtenir des images correctement exposées. La chose ne devint réaliste qu'avec l'apparition des plaques « sèches » et des films industriels. Les premiers travaux du Suisse Ferdinand Hurter (1844-1898) et du Britannique Vero Charles Driffield (1848-1915), le perfectionnement des tables statistiques d'exposition, l'apparition des premiers posemètres optiques ainsi que celle des actinomètres photochimiques utilisant des papiers à noircissement direct pour mesurer la lumière contribuèrent, à la fin du xixe siècle, à apporter des solutions de plus en plus fiables. Mais ce n'était pas pour autant que tout un chacun pût faire des photographies en toutes circonstances. Le premier « Kodak », mis au point en 1888 par l'Américain George Eastman (1854-1932), en était l'illustration. Lancé avec le célèbre slogan « Appuyez sur le bouton, nous faisons le reste (You press the button, we do the rest) », ce système déchargeait l'utilisateur du développement et du tirage des épreuves, ces opérations étant effectuées par les laboratoires d'Eastman. Mais, à l'époque, la faible sensibilité du film (environ 6 équivalent ISO) ne permettait des instantanés à l'extérieur que par très beau temps.
Née du désir de pouvoir mesurer les sensibilités des films, la sensitométrie s'est transformée, en quelques décennies, en une science physique de l'image. Depuis lors, elle n'a pas cessé d'être la discipline pilote de tous les progrès techniques qu'ont pu connaître la photographie et le cinéma.
Historique
Avec les premiers procédés photographiques, l'utilisateur préparait lui-même ses plaques avant de les exposer. Il était donc parfaitement illusoire d'élaborer un système cohérent de sensibilité. L'industrialisation des plaques sèches, dans les années 1870, diminua la variabilité des caractéristiques des émulsions. À partir de 1876, Ferdinand Hurter et Vero Charles Driffield mirent au point l'essentiel des méthodes nécessaires au développement de la sensitométrie. Leurs travaux ne se limitèrent pas au seul problème de la sensibilité des films : ils étudièrent également les techniques expérimentales de mesure objective des caractéristiques de ces émulsions. À partir de ces travaux, les fabricants commencèrent à chiffrer la sensibilité de leurs films, selon une échelle dite de Hurter et Driffield (échelle H&D).
La normalisation
L'échelle H&D, la première fiable du genre, fournissait un élément essentiel aux photographes. En effet, schématiquement, on savait déjà qu'une bonne exposition correspond à une combinaison diaphragme + vitesse qui dépend de la luminosité du sujet et de la sensibilité du film. En 1931, les Allemands proposèrent une méthode normalisée « D.I.N. (Deutsch Industrie Normen) ». Mais les conditions opératoires de cette première norme étaient trop éloignées des réalités pratiques pour être adoptées par tous les industriels de la photographie. De leur côté, les Américains travaillaient sur l'idée de relier la sensibilité des films noir et blanc au contraste nécessaire pour obtenir des bons rendus de valeurs. Adoptée en 1939 par la firme Kodak, cette méthode débouchera sur une première norme américaine ASA (American Standards Association) en 1947. Depuis lors, les normes ISO (International Standards Organization) relatives à la sensibilité ont été déclinées selon les types de films (tabl. 1).
Une science adulte
Au début du xxe siècle, Emanuel Goldberg (1881-1970) avait élaboré un outil performant sous la forme[...]
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Écrit par
- Bernard LEBLANC : professeur honoraire de sensitométrie, École nationale supérieure Louis-Lumière, Noisy-le-Grand
Classification
Médias
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