PHRYGIE
La Phrygie, région de l'Asie Mineure, a connu une extension variable suivant les époques. Au sens large, elle s'étendait sur la plus grande partie du plateau anatolien, de part et d'autre de l'Halys (actuel Kizil Irmak). Le nord-ouest de l'Asie Mineure reçut le nom de Phrygie hellespontique ; mais le cœur de la Phrygie fut, de tout temps, le haut plateau (de 800 à 1 500 m d'altitude) que limite au nord-est le Sangarios (actuel Sakarya), où s'échancrent à l'ouest les vallées des grands fleuves de l'Ionie, et dont le centre est marqué par la « cité de Midas ». La nature y est toute de contrastes : au long hiver glacé succède une vigoureuse floraison printanière que brûle le soleil de l'été. En dépit de conditions naturelles moins favorables que sur le littoral égéen ou pontique, la Phrygie devait donner naissance à un État florissant et, au-delà de la disparition de celui-ci, les Phrygiens devaient, à travers des dominations diverses, préserver leur originalité créatrice, notamment dans le domaine religieux.
Le royaume de Midas
La formation du royaume phrygien remonterait aux environs de 1200 avant J.-C., au lendemain de la chute de l'empire hittite : selon Hérodote, les Phrygiens auraient émigré de Thrace un peu avant la guerre de Troie. Vers 1100 avant J.-C., les Annales cunéiformes assyriennes du roi Tiglat-Pilesar Ier mentionnent les attaques des Moushki sur le haut Euphrate ; les Phrygiens représenteraient l'élément occidental de ce groupe de peuples installé au centre de l'Anatolie. Un hiatus de plusieurs siècles sépare ensuite cette première mention du viiie siècle, où les Annales du roi Sargon II d'Assyrie citent le roi Mi-ta-a, le roi Midas des Grecs, qui, vers 717, s'allie au roi Pisiri de Karkémish pour contenir la poussée de Sargon II. Mais Karkémish fut prise par les Assyriens et, vers 707, Midas paie tribut à Sargon. Cet échec explique sans doute le rapprochement avec les cités grecques de la côte : Midas avait épousé Démodiké (ou Hermodikè), fille du roi de Kymè, Agamemnon ; Hérodote vit même à Delphes son trône royal consacré en ex-voto à Apollon. Midas, aux encombrantes oreilles, était d'une richesse proverbiale : n'avait-il pas le pouvoir de changer en or tout ce qu'il touchait ?
Les fouilles permettent de mesurer l'originalité créatrice des Phrygiens. À Boǧazköy, dans la boucle de l'Halys, les quartiers phrygiens se superposent aux quartiers datant de l'ancien empire hittite. La même observation a pu être faite plus au sud, à Alisar. À Gordion, sur le Sangarios, l'acropole est dotée d'un système défensif perfectionné, très supérieur à celui des cités grecques du viiie siècle. Dans l'architecture civile, on note l'existence d'une sorte de megaron, comprenant une salle à foyer central précédée d'un vestibule ; le pavement peut comporter des mosaïques à décor géométrique, et l'ensemble est couvert d'une toiture à pignon. Ce type d'édifice paraît propre à l'Anatolie, où il est connu depuis le bronze ancien et Troie II. Cependant, les tombes à tumulus de la plaine de Gordion n'ont pas d'antécédent chez les Hittites, mais semblent avoir été en faveur chez les peuples de la mer Noire, d'où leur nom de « tombes des steppes » ; cela renforce l'hypothèse d'une venue des Phrygiens de la région du bas Danube.
Habitations et tombes ont livré un riche matériel, au premier rang duquel figure une céramique peinte de style animalier intermédiaire entre les styles géométrique et orientalisant : bouquetins, lions, chevaux, oiseaux au schématisme étonnant se groupent en frise dans des compartiments, où des motifs géométriques comblent tous les vides. Comme rien, en Anatolie ou au Proche-Orient, ne préfigure l'éclosion de ce style,[...]
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Écrit par
- André LARONDE : membre de l'Institut, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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