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PHRYGIE

La religion

Le culte le plus célèbre était celui de Kubila, Cybèle, la Grande Mère, personnification de la nature féconde, la « maîtresse des fauves » qui peuplent la forêt. Sa divinité parèdre, le berger Attis, était au centre d'une « passion » inspirée par le cycle végétatif : Attis, émasculé, mourait. Cybèle parcourait le pays en se lamentant sur la mort de son amant, qui s'éveillait de son long sommeil avec le renouveau printanier. Si le pin était l'arbre d'Attis, Cybèle était adorée originellement sous la forme d'un bétyle, conservé à Pessinonte ; elle siégeait sur les montagnes, comme l'Ida ou le Sipyle, où des trônes lui étaient taillés (d'où son nom Agdistis, « celle du rocher »). Ses sanctuaires rupestres, aux façades richement travaillées (vie siècle av. J.-C.), ont souvent été pris pour des tombeaux : la déesse y apparaît entourée de musiciens, de fauves.

Ce culte « naturiste » revêtait une violence qui s'accordait aux caractères extrêmes du climat anatolien. Les prêtres de Cybèle, les galles, célébraient à chaque printemps le retour de leur dieu par des danses frénétiques, au cours desquelles ils se mutilaient à l'exemple d'Attis. L'outrance de ces manifestations ne doit pas dissimuler l'ardente aspiration à s'affranchir des instincts charnels, afin de délivrer les âmes du lien de la matière. Cela explique l'attirance exercée par les mystères de Cybèle dans le monde gréco-romain, à qui sa religion n'apportait rien de tel. Grâce à l'amitié du roi Attale Ier de Pergame, Rome accueillit, dès 204 avant J.-C., la pierre noire de Pessinonte ; elle fut plus lente à admettre les aspects troubles du culte d'Attis, qui ne fut officiellement adopté que sous l'Empire, et se propagea alors jusque dans l'Occident. On vit aussi se répandre hors de Phrygie le culte de Men, vieille divinité lunaire. Les Grecs vénéraient depuis longtemps le dieu phrygien du vin, Sabazios. Comme ces deux divinités, Mazeus (Zeus) appartenait au substrat indo-européen de la religion phrygienne.

L'extatisme violent qui caractérise cette religion ne disparut pas avec l'introduction du christianisme au iie siècle ; il n'est pas indifférent que l'hérésie montaniste ait justement pris naissance sur cette terre.

— André LARONDE

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  • : membre de l'Institut, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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