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PHYLOGÉNIE ANIMALE

Le renouveau des études

Après un siècle de piétinement, l'évolution animale est redevenue, depuis le milieu des années 1980, un thème de recherche particulièrement productif et à la mode. Le phénomène se manifeste notamment par l'abondance considérable des publications consacrées à la phylogénie des métazoaires, y compris dans des revues scientifiques de très haut niveau.

Le domaine a été redynamisé par l'arrivée de techniques nouvelles, produisant des quantités d'informations inédites et précieuses pour effectuer des inférences phylogénétiques. Il s'agit notamment, surtout depuis les années 1970, de l'exploration de la morpho-anatomie à l'échelle ultrastructurale grâce à la microscopie électronique à balayage et à transmission, puis aux techniques d'immunohistochimie. Contrairement à une idée reçue, la morphologie des animaux est encore aujourd'hui loin d'être connue de manière satisfaisante, et son exploration n'est pas une activité désuète.

Parallèlement, l'utilisation des séquences de gènes et de protéines pour la reconstruction phylogénétique a constitué une véritable révolution : celle de la phylogénie moléculaire. Les progrès décisifs sont venus des analyses fondées sur l'ARN de la petite sous-unité ribosomique, ou ARNr 18S (première phylogénie des métazoaires utilisant ce marqueur : Field et al., 1988). Depuis lors, d'autres molécules ont été exploitées (ARNr 28S, protéines de choc thermique, facteurs de la traduction, histones, etc.). Enfin, ces dernières années, la phylogénie est entrée dans une nouvelle ère, celle de la phylogénomique. Les génomes mitochondriaux ou nucléaires complets, les séquençages massifs d'ADNc (ADN complémentaire), permettent maintenant d'analyser plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de marqueurs phylogénétiques (gènes ou protéines) en combinaison.

Outre l'apport de ces données nouvelles, le renouveau est également dû à de profondes mutations des concepts et méthodes de la phylogénie, conséquences notamment de l'adoption progressive, entre les années 1960 et 1980, des principes et des méthodes de la systématique phylogénétique ou cladistique.

Il s'agit réellement d'un changement complet de la démarche intellectuelle présidant à l'élaboration des phylogénies. En effet, la méthode classique prétendait reconnaître a priori les traits essentiels des groupes, jugés les plus importants d'un point de vue évolutif (pour les embranchements, ce sont les caractères du plan d'organisation), et élaborait des scénarios d'évolution en appliquant des « lois » telles que le principe de récapitulation ou la complexification des formes au cours de l'évolution. Cela revenait en général à mettre en séquence les groupes actuels (et éventuellement fossiles) du plus « primitif » (ou « inférieur ») au plus « évolué » (ou supérieur), tout en comblant les trous par des ancêtres imaginaires. Ces scénarios étaient évalués essentiellement selon le critère de plausibilité mais, face à la multiplicité des hypothèses, la subjectivité de l'opinion personnelle prévalait. C'est sur ces bases que reposait la conception traditionnelle de l'arbre des métazoaires (fig. 1).

L'une des idées maîtresses de l'ouvrage du fondateur de la cladistique, l'Allemand Willi Hennig (1913-1976), dont la traduction anglaise Phylogenetic Systematics a été publiée en 1966, est précisément de montrer que cette méthode est inappropriée pour reconstruire la phylogénie et de proposer une doctrine et une méthode alternatives. La méthode cladistique permet de déterminer l'arbre (le cladogramme) le plus cohérent avec l'ensemble des caractères (qu'ils soient morphologiques ou moléculaires), sans attribuer a priori plus ou moins d'importance à tel[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé des sciences de la vie et de la Terre, maître de conférences à l'université Paris-VI

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