- 1. La disparité des métazoaires : plans d'organisation et embranchements
- 2. La conception traditionnelle de l'évolution animale
- 3. Le renouveau des études
- 4. La monophylie des métazoaires et leur position dans l’arbre des eucaryotes
- 5. La base de l'arbre : un problème non résolu
- 6. La phylogénie et l'évolution des Bilateria
- 7. La contribution des données paléontologiques
- 8. La contribution de l'évo-dévo
- 9. Vers un arbre entièrement résolu des métazoaires ?
- 10. Bibliographie
PHYLOGÉNIE ANIMALE
La phylogénie et l'évolution des Bilateria
L'émergence d'une nouvelle phylogénie des Bilateria
Les premiers arbres moléculaires générés, entre 1988 et 1997, à partir des séquences d'ARNr 18S confortaient en partie la vision traditionnelle car ils montraient un positionnement basal des plathelminthes (acœlomates) et des nématodes (pseudocœlomates) par rapport aux autres Bilateria (annélides, mollusques, arthropodes, vertébrés...). En revanche, il est apparu très tôt que, contrairement aux conceptions classiques, les annélides et les arthropodes ne sont pas étroitement apparentés, les premiers étant notamment plus proches des mollusques que les seconds. En 1995, une étude a mis en évidence l'existence d'un clade comportant, outre les mollusques et les annélides (embranchements qui ont en commun la larve trochophore), les bryozoaires, les brachiopodes et les phoronidiens (ces trois derniers phylums étant classiquement groupés dans le super-embranchement des lophophoriens). Par référence à sa composition, ce clade a été appelé Lophotrochozoa. Depuis lors, bien d'autres embranchements sont venus grossir ce groupe (par exemple, némertes, siponcles, rotifères, et même plathelminthes).
Le véritable bouleversement de la phylogénie des Bilateria date de 1997, lorsqu'un groupe de chercheurs a montré que la position basale des nématodes et des plathelminthes dans les arbres moléculaires publiés jusqu'alors n'était que la conséquence d'un artefact de reconstruction phylogénétique. Ayant séquencé l'ARNr 18S d'un plus grand nombre d'espèces de nématodes et de plathelminthes, ces auteurs furent alors en mesure de montrer que les nématodes se positionnent au voisinage des arthropodes, et les plathelminthes au sein des lophotrochozoaires.
Nématodes et arthropodes, ainsi que quelques embranchements moins populaires (par exemple, priapuliens, nématomorphes, tardigrades et onychophores), forment le clade des Ecdysozoa, ainsi nommé parce que tous ces groupes ont en commun la croissance par mue (en grec, ecdysis). Ainsi étaient mises en place les grandes lignes de la nouvelle phylogénie des Bilateria (fig. 4) dans laquelle ces derniers sont subdivisés en trois grands clades – lophotrochozoaires, ecdysozoaires et deutérostomiens – les deux premiers formant les protostomiens.
Cette nouvelle hypothèse phylogénétique a des conséquences considérables. La plus immédiate est la disparition des grades successifs fondés sur les cavités liquidiennes (acœlomates, pseudocœlomates et cœlomates). En effet, ces trois types d'organisation sont largement dispersés (polyphylétiques) au sein de l'arbre des Bilateria (fig. 4). L'évolution du cœlome est donc plus complexe qu'on ne l'avait envisagé classiquement. Soit le cœlome existait dès l'ancêtre commun des Bilateria et a été perdu secondairement dans plusieurs lignées (par exemple, chez les plathelminthes, les nématodes...), soit il a été acquis plusieurs fois de manière convergente (ainsi le cœlome des annélides, celui des arthropodes et celui des vertébrés pourraient ne pas être homologues). L'évolution n'est donc pas un cheminement rectiligne des formes les plus simples vers les plus complexes. Notons qu'entre les deux hypothèses envisagées ici à propos de l'évolution du cœlome, il n'est pas possible de trancher pour le moment, principalement par manque de résolution de la phylogénie au sein des lophotrochozoaires.
Une autre conséquence importante est l'éclatement des articulés (annélides, arthropodes, onychophores et tardigrades), pourtant l'un des groupes les plus anciens et les plus consensuels de la zoologie classique. De ce fait, on peut appliquer à la métamérie le même type de raisonnement que pour le cœlome. Ou bien la métamérie des annélides et celle des arthropodes ont été[...]
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Écrit par
- Michaël MANUEL : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé des sciences de la vie et de la Terre, maître de conférences à l'université Paris-VI
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