PHYLOGÉNOMIQUE
Une complexité des génomes acquise dès le Cambrien
Un certain nombre de gènes fonctionnent de façon coordonnée, leurs expressions contribuant à la réalisation des fonctions biologiques. L'analyse de plusieurs centaines de génomes complets de bactéries, d'archées et d'eucaryotes – les trois grands domaines du monde vivant – a montré qu'environ 500 gènes étaient conservés au fil de l'évolution. Il s'agit des gènes qui codent pour la réplication de l'ADN et la synthèse des protéines, c'est-à-dire des gènes fondamentaux permettant la multiplication cellulaire. La divergence des trois grands domaines du vivant remonterait à 2 milliards d'années. Cette conclusion doit être rapprochée du fait que les premiers organismes vivant sur Terre il y a 3,5 milliards d'années étaient les cellules constructrices des stromatolithes. Or les cyanophycées marines qui bâtissent actuellement des stromatolithes, dans la baie Shark en Australie, ne disposent que d'environ 2 000 gènes. En outre, les études d'évolution in vitro ont montré que 1 000 gènes étaient requis pour que la multiplication cellulaire soit possible. Ainsi, sur les 1 000 gènes d'une bactérie minimale, la moitié seraient conservés tout au long de l'évolution, les autres pouvant correspondre à ceux qui sont nécessaires à des métabolismes spécifiques des sources d'énergie des écosystèmes extrêmes. À tout le moins, ce génome minimal existait déjà il y a 3,5 milliards d'années.
Une autre constatation revient fréquemment. Le nombre de gènes de la plupart des animaux est voisin de celui de l'homme. Par exemple, une anémone de mer, un oursin, un tunicier et un amphioxus possèdent non seulement entre 15 000 et 20 000 gènes sur leurs chromosomes (environ 30 000 chez l'homme), mais ils présentent également des gènes fortement homologues, par la séquence de leur ADN et leur fonction, de ceux des mammifères : ce sont ceux qui codent pour la division et le métabolisme cellulaires, pour la majeure partie des récepteurs membranaires liés à la reconnaissance de signaux extracellulaires et des systèmes de transduction de ces signaux, pour le développement embryonnaire et celui du système nerveux, pour la motricité musculaire, pour le système immunitaire, etc. Enfin, certains groupes de gènes sont conservés ensemble dans le même ordre le long d'un fragment d'ADN chromosomique (on parle de synténie) chez tous ces organismes, comme s'il s'agissait d'ensembles fonctionnels auxquels on ne peut pas toucher de manière significative sans perturber leur rôle. C'est le cas des gènes responsables du développement embryonnaire. Au moins 135 groupes synténiques ont été mis en évidence entre l'amphioxus et l'homme. On s'attendait à trouver une majorité de gènes caractéristiques des familles zoologiques et qui seraient à l'origine de leur diversité. Il en existe, mais ils sont en fait minoritaires en nombre. C'est le cas, par exemple, des gènes qui codent les enzymes du métabolisme de la cellulose chez les tuniciers, absents des autres chordés, mais au demeurant trop proches de ceux des bactéries et des champignons pour ne pas avoir été empruntés à ces derniers groupes par transfert horizontal de fragments d'ADN.
Les fossiles datant de 535-505 millions d'années (base du Cambrien) attestent d'organisations anatomiques apparentées à celles d'animaux actuels (échinodermes, arthropodes, tuniciers, mollusques, chordés primitifs comme Pikaia) et sont, pour les plus récents, dotés d'une complexité anatomique et fonctionnelle jamais observée auparavant. Les découvertes paléontologiques qui s'accumulent, en particulier celles qui concernent les tissus mous conservés, montrent que les principaux organes animaux que nous connaissons[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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