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PHYLOGÉNOMIQUE

Les tuniciers à l'origine des vertébrés ?

Depuis Haeckel, on affirme que les embryons de tuniciers, comme les vertébrés, possèdent une chorde. Cela aurait pu n'être qu'une ressemblance. L'examen du génome d'un tunicier (Ciona intestinalis) et celui des protéines exprimées lors de son développement montrent que la moitié des 182 gènes connus pour participer à la mise en place de la chorde chez les vertébrés se retrouvent chez ce tunicier. De plus, ces gènes sont fonctionnels au moment attendu, qu'il s'agisse de ceux qui régulent l'activité d'autres gènes ou de ceux qui codent pour la matrice extracellulaire des cellules de la chorde. Les anatomistes du xixe siècle avaient donc bien raison. En outre, l'analyse cladistique des gènes de tuniciers montre que ces animaux sont plus apparentés aux vertébrés que ne l'est l'amphioxus Branchiostoma lanceolatum, considéré jusqu'à la fin du xxe siècle comme très proche des vertébrés du fait de sa chorde et de sa métamérie. Tout l'appareillage des gènes de développement embryonnaire existe chez l'amphioxus, mais l'analyse d'autres gènes renvoie cet animal vers un groupe frère des vertébrés. Les chordés ne constitueraient donc pas un groupe monophylétique. Cette conclusion reste cependant fragile. Ce qui est certain, c'est que l'étude des génomes d'éponges montre qu'un seul de ces groupes de gènes de développement embryonnaire (le groupe NK-like) y est présent. Les autres sont absents, ce qui implique que ces derniers qui gouvernent le plan du corps des Bilateria ont dû apparaître au moment de la transition majeure vers la symétrie bilatérale, c'est-à-dire il y a quelque 520 millions d'années.

Le dernier point concerne les questions posées par les défenses immunitaires des oursins. Ces animaux, qui appartiennent au groupe des échinodermes, occupent une place évolutive privilégiée puisqu'ils constituent l'un des trois phylums des deutérostomiens, les deux autres étant les hémichordés et les chordés (groupe qui comprend, entre autres, les vertébrés). Le système immunitaire des vertébrés possède un versant dit spécifique comme les anticorps, et un versant dit non spécifique, ou immunité innée. Le génome de l'oursin pourpre de Californie (Strongylocentrotrus purpuratus) et les profils d'expression de ses gènes montrent un système immunitaire non spécifique très évolué et capable de déceler la quasi-totalité des agents pathogènes par le biais de plusieurs centaines de récepteurs membranaires différents. Cet animal n'est pas capable de synthétiser des anticorps, mais il possède l'enzyme de recombinaison permettant de les produire chez les vertébrés, ainsi que d'autres composants de base du système immunitaire spécifique. Il produit également l'interleukine I de la réponse inflammatoire. Les briques de la défense antibactérienne non spécifique sont donc posées dès le début du Cambrien, période durant laquelle les premiers fossiles d'échinodermes sont connus, et les bases de l'immunité spécifique existent et « n'ont plus » qu'à être assemblées, ce qui sera fait chez les poissons cartilagineux.

Chaque génome séquencé présente des caractéristiques spécifiques du groupe auquel appartient l'animal. L'ensemble des génomes révèle surtout une grande complexité de l'ADN chromosomique, et ce, par extrapolation, depuis le Cambrien inférieur. On peut supposer que les mêmes gènes, ou du moins des gènes fortement apparentés, permettaient à cette époque la réalisation des mêmes fonctions biologiques qu'actuellement. D'une certaine manière, on pourrait dire que presque tous nos gènes, ou du moins leurs parents proches, existaient dès le début du Paléozoïque (ère primaire).[...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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