PHYSIOLOGIE ANIMALE
Le champ de la science physiologique recouvre, en première approximation, celui de la « physiologie expérimentale », de François Magendie à Claude Bernard – telle qu’elle apparaît en France dès les premières décennies du xixe siècle –, et son évolution au cours duxxe siècle. Mais cela n’en représente pourtant qu’un aspect, même s’il est central et en quelque sorte référentiel. Il faut en effet dissocier la constitution de la « discipline » de la physiologie au xixe siècle de l’élaboration progressive de ses pratiques et de ses ancrages théoriques à partir de l’Antiquité. La physiologie devient dès lors plus largement synonyme de la partie de la médecine qui exclut, temporairement, la pathologie, dans ses rapports à la science, mais aussi à la religion et à la philosophie, avant sa constitution comme science. La clé de la démarche est la recherche expérimentale de la manière dont le fonctionnement de l’organisme est intégré.
Distinguer et hiérarchiser les fonctions de l’organisme
La science physiologique de Claude Bernard se caractérise avant tout par une méthode expérimentale assujettie à une hypothèse, mais de façon transitoire, tant que les faits expérimentaux sont en accord avec elle. Cette méthode est celle décrite par le physiologiste dans l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865). Elle est très différente des modes antérieurs de constitution de la connaissance physiologique, qui énonçaient comme principes initiaux des considérations théoriques posées a priori, telles que la théorie grecque des humeurs, et à partir desquelles on construisait des explications, validées selon le point de vue des médecins, par la récolte de données cliniques et expérimentales choisies, sans recherche de contre-exemples, d’hypothèses alternatives, et surtout sans remettre en cause des cadres théoriques et des croyances fondamentales. De tels cadres théoriques vont persister jusque vers les premières décennies du xixe siècle. Le changement, assez rapide au demeurant, vient de l’emploi systématique de l’expérimentation, auquel on associe justement Claude Bernard.
Pour Georges Canguilhem, la nouveauté de la physiologie bernardienne réside en ce qu’elle s’élabore d’abord, en théorie et en pratique, autour de concepts centraux, issus de découvertes initiales de Claude Bernard lui-même sur la formation du glucose par le foie et sa sécrétion dans le sang. Ainsi, le concept de « sécrétion interne » (celle du sucre dans le sang) aboutit à celui de « milieu intérieur » (le sang), aux constantes caractéristiques, par exemple le taux de glucose dans le sang (1g/l). La voie de Bernard est alors d’élargir sa méthode afin de comprendre, par les moyens physico-chimiques et l’expérimentation sur l’animal vivant (la vivisection), les fonctions physiologiques des organes, les mécanismes par lesquels elles sont contrôlées (régulation) et le rôle des éléments cellulaires : la nouveauté de l’approche bernardienne est de poser que l’ensemble de ces niveaux d’intervention est soumis à une intégration physiologique qui aboutit à décrire un système hiérarchique de fonctions des organes et de leur régulation au sein de l’organisme. Il faut donc définir les fonctions essentielles et réelles que ces organes exercent puis définir les règles du jeu qui lient la fonction d’un organe à la manière hiérarchisée de s’intégrer dans l’économie générale de l’organisme.
Au sommet de cette hiérarchie se trouve le système nerveux. Cela n’est pas dû à un présupposé philosophique sur la prééminence du cerveau et des nerfs, mais à la reconnaissance progressive de la fonction du système nerveux dans la régulation des autres fonctions de l’organisme, notamment par les systèmes nerveux dits « autonomes » comme ceux qui contrôlent le rythme cardiaque en l’accélérant ou en le ralentissant.[...]
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Écrit par
- Jean-Gaël BARBARA : neuroscientifique, directeur de recherche CNRS
Classification
Médias
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