PHYSIOLOGIE ANIMALE (histoire de la notion)
Objectifs et méthode de la physiologie
Il est aisé de comprendre pourquoi l'anatomie du corps humain a d'abord dominé et inspiré la connaissance de ses fonctions, pourquoi on a estimé que, dans beaucoup de cas, on pouvait se faire une idée des fonctions à partir de l'inspection de la forme et de la structure des organes. Mais il s'agissait de structures à l'échelle macroscopique et de fonctions initiales ou terminales de processus complexes, fonctions assimilables à l'usage humain d'instruments artificiels évoqués par une figure superficiellement semblable. De la structure de l'œil, par exemple, on peut déduire quelques notions grossières de physiologie de la vision, à partir du moment où la construction et l'usage des appareils d'optique ont donné lieu à une théorie. Mais de la structure du cerveau, telle que la dissection au scalpel en donne la connaissance, il n'est pas possible de déduire quelque fonction que ce soit, puisqu'il n'existe pas d'objet technique ressemblant à un cerveau. Lorsque Haller décrit le pancréas comme « la plus grande glande salivaire », on peut, à la rigueur, comparer sa fonction sécrétoire à celle de la parotide, mais on ne saurait aller plus loin. Dans son Éloge du chirurgien Méry, mort en 1722, Fontenelle rappelle un de ses propos souvent cité depuis : « Nous autres anatomistes, nous sommes comme les crocheteurs de Paris, qui en connaissent toutes les rues jusqu'aux plus petites et aux plus écartées, mais qui ne savent pas ce qui se passe dans les maisons. »
On peut chercher à savoir ce qui se passe dans les maisons par plusieurs moyens : en contrôlant les entrées et les sorties, en y introduisant des espions, en détruisant tout ou partie de la maison pour tirer les conclusions d'une privation ou d'une absence. En dépit du propos de Méry, les médecins n'ont pas manqué d'utiliser, de longue date, de tels procédés pour chercher à savoir ce qui se passe dans l'organisme animal. La méthode d'expérimentation par ablation d'organes est une suite naturelle des techniques chirurgicales d'excision. Le fondateur de l'anatomie moderne, Vésale (1514-1564), avait terminé par des considérations sur les utilités et les techniques de la vivisection son célèbre traité Humani corporis fabrica (1543), au cours duquel il fait état d'expériences d'ablation de rate ou de rein, pratiquées sur des chiens. Au xviie siècle, la conception mécaniste des structures organiques a encouragé cette pratique, à la fois dirigée et aveugle. Si le corps est une machine, on doit pouvoir obtenir la connaissance des fonctions de telle ou telle pièce, rouage ou ressort, d'après les perturbations ou l'empêchement du fonctionnement de la machine, consécutifs à la destruction d'une de ses parties. La méthode est évidemment assez grossière puisque l'observation d'un effet global ne permet pas d'inférer avec certitude un processus segmentaire de causalité. La technique expérimentale de ligature de vaisseaux ou de canaux avait permis à Régnier de Graaf de suivre, dans la trompe ovarienne, le cheminement de l'œuf des Mammifères (1672), mais la technique des fistules de dérivation ne lui avait rien appris sur la fonction du suc pancréatique (1664). Plus fine et plus précise, une technique comme l'addition périodique de colorants aux aliments des animaux avait permis à Duhamel du Monceau d'apporter quelque lumière sur le mode d'action du périoste dans la croissance des os (1739-1743). Le prélèvement ingénieux de suc gastrique, grâce à l'ingestion et à la régurgitation provoquée de fragments d'éponges par des animaux tels que le chien, la buse ou le dindon avait permis à Réaumur (1752) et à Spallanzani (1776-1783) d'instituer l'étude in vitro de l'action du suc gastrique sur les aliments d'origine animale ou végétale.[...]
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Écrit par
- Georges CANGUILHEM : professeur honoraire à l'université de Paris-I-Sorbonne
Classification
Médias
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