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PHYSIQUE Le modèle en physique

On peut établir un intéressant parallélisme entre l'utilisation des modèles en physique et dans les autres sciences exactes ou humaines. Il n'empêche que la signification d'un modèle présente, en physique, une résonance et une portée propres à cette discipline. La notion de modèle soulève, en effet, la question même de l'objectivité d'une science, soucieuse d'atteindre une « réalité » et des lois indépendantes de toute intervention du sujet et dépassant, par conséquent, l'idée d'une construction des possibles, d'une interprétation des apparences au moyen de modèles.

C'est pourquoi l'histoire du « modélisme » revêt en physique, singulièrement avec Giordano Bruno et Galilée, un caractère qui peut être primordial, car il déborde les méthodes de la physique pour mettre en cause son objet et sa signification.

Schéma simplificateur et construction d'ensemble

La construction de l'objet d'une loi physique ne peut s'effectuer sans distinguer, parmi la complexité des données sensibles, l'essentiel de l'accessoire. On assimile donc le contenu de l'expérience à une construction hypothétique qui procède d'un schéma simplificateur. C'est à partir de ce « monde archimédien » que le physicien essaie de retrouver les apparences, tout au moins dans le domaine auquel il se limite. À ces esquisses simplifiées s'appliquent les lois de la mécanique. Il peut travailler sur ces schémas pour éprouver les conséquences de ses postulats et retrouver ainsi les apparences. D'où le nom de « modèles », conçus alors comme des « canevas » qui se substituent, provisoirement, à la trop grande complexité de la nature.

Sans être en contradiction avec l'expérience effective, les modèles se proposent d'en donner une simplification systématique. Tels sont les modèles de Galilée écartant les « empêchements extérieurs » pour s'appliquer à des expériences idéales. Toute expérience de pensée constitue, en ce sens, l'exploitation logique d'un modèle.

Notons qu'à cet égard toute la physique – et même la perception naïve – s'applique forcément à des modèles plus ou moins structurés. Soulignons aussi que ce modélisme implique un jugement, un point de vue, pour cautionner les traits « essentiels » du modèle. Le progrès de la physique consiste souvent à réviser certains agencements d'autant plus tenaces qu'ils sont plus ignorés.

Une autre caractéristique du modèle est de constituer, dans un domaine déterminé, parfois restreint, un schéma complet. En cela, le modèle se distingue de l'hypothèse simplificatrice qui peut être adjointe à l'ensemble d'une théorie sans en altérer le caractère. Le modèle se présente comme une structure dont les articulations restent solidaires. Bien entendu, un modèle similaire peut être proposé, mais la modification d'un détail influence l'ensemble, peut-être même de façon infime.

Ainsi les multiples rouages formant le cosmos de Ptolémée présentent une unité d'ensemble. On peut, compte tenu des progrès de l'expérience, modifier la position du centre d'un déférent, adjoindre un épicycle, inventer l'équant : il convient alors de s'assurer que l'ensemble, ainsi perturbé, forme une nouvelle machine adéquate, c'est-à-dire adaptée, à l'ensemble des apparences.

La construction d'un « modèle » associe toujours un schéma géométrique à une loi élémentaire de composition. Cet ensemble ne bénéficie pas, en général, d'une véritable unicité qui en justifierait la nécessité. Bien entendu, la complexité d'un modèle dépend d'un certain stade d'expérimentation. Le monde de Ptolémée introduit les rouages plus complexes que le monde d'Eudoxe de Cnide. En ce sens, il existe une hiérarchie des modèles.[...]

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