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PHYSIQUE Le modèle en physique

Dans la physique mécaniste

Jusqu'ici, le modèle est apparu comme un schéma simplificateur. Néanmoins, ce canevas se situe au niveau même des apparences qu'il prétend analyser. Il en constitue une version plus dépouillée mais, en même temps, plus quantitative et plus utilisable, tout en restant du même type. Autrement dit, le mouvement apparent des planètes se déduit de mouvements élémentaires plus simples, mais ce « modèle » ne constitue pas un mécanisme caché responsable d'apparences (couleur, son, champ électrique) dont la nature serait totalement différente de la figure et du mouvement auxquels se limite le modèle.

Au contraire, le but de la physique mécaniste est d'essayer, par des voies d'ailleurs très différentes, une telle assimilation. En réduisant tous les phénomènes « à la figure et au mouvement », Descartes va accentuer l'ambiguïté liée à la notion de modèle. Le modèle va être délibérément conçu comme une représentation du possible, comme une parabole destinée à suggérer les propriétés véritables des corps. Ainsi la lumière est représentée presque indifféremment comme la pression qui se transmet instantanément le long du bâton de l'aveugle, comme le vin dont les filets s'éparpillent à travers les raisins de la cuve, comme des petites billes rigides qui obéissent à une balistique des corps matériels.

Le modélisme issu des principes cartésiens semble même renoncer au monde archimédien, certes simplifié, mais non contradictoire de la physique galiléenne ; le modèle peut présenter des caractères incompatibles avec les postulats initiaux. Tout en justifiant les lois de l'optique géométrique – réflexion et réfraction – par des modèles balistiques, imaginant le rebondissement de petites balles rondes et dures, Descartes soutient que la lumière ne saurait être le mouvement d'un corps, mais une « tendance au mouvement », une pression immédiatement ressentie dans un univers incompressible et plein. L'identité des lois qui régissent les phénomènes « en puissance » et « en acte » lui permet, cependant, l'usage de véritables paraboles balistiques, sans aucun lien avec des mouvements vrais, effectifs, puis le passage à la limite.

Un modélisme assez différent interprète la formation des couleurs par la grosseur des particules, par leurs vitesses relatives, par leurs mélanges, par une complexité morphologique ou cinétique inhérente à la constitution du rayon lumineux.

Il s'agit moins alors d'induire des lois inconnues à partir de dispositifs simplificateurs que d'interpréter des propriétés, souvent fort bien établies, au moyen de mécanismes élémentaires sous-jacents réputés plus simples : la loi des sinus précède les modèles balistiques qui veulent l'expliquer ; les équations de Maxwell gouvernent l'électromagnétisme en dépit de l'échec des modèles d'éther. Néanmoins Maxwell et surtout W. Thomson se croient obligés d'interpréter les équations du champ par des mécanismes simples appliqués à un hypothétique substrat.

Ce type de modélisme est vivement condamné par Auguste Comte : « Toute hypothèse physique, pour être jugeable, affirme-t-il, doit exclusivement porter sur les lois des phénomènes et jamais sur leur production. » Cette opinion semble restreindre l'utilité du modélisme à l'établissement de corrélations du même type. Autrement dit, s'il est légitime de réduire un mouvement apparent complexe à des mécanismes élémentaires simples, il est abusif de justifier les lois de Maxwell par l'introduction de modèles d'éther, aussi artificiels qu'hypothétiques. D'une manière analogue, les prétentions explicatives d'un mécanisme à base de modèles suscitent les protestations de Duhem. Un modèle a-t-il, par lui-même, une vertu explicative qu'il n'ait puisée, auparavant, dans l'expérience ? Déjà, au [...]

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