PHYSIQUE Le modèle en physique
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Structures et modèles
La prédominance historique des modèles issus de la mécanique semble associer tout modélisme à une construction dans l'espace, construction dont les éléments satisfont à des règles bien connues (lois du choc, inertie, principes de conservation, etc.). Néanmoins, une forme assez différente de structuration de l'expérience fut, de tout temps, pratiquée. Elle consiste à mettre en évidence certaines opérations qui permettent de définir mathématiquement et a posteriori leurs objets. Telles sont les notions de force, de champ, de groupe. Elles constituent alors des structures dynamiques, mathématiquement bien définies et susceptibles de rejoindre l'expérience.
On a opposé structures et modèles comme on oppose théories à principes et théories à images. En fait, cette disposition est beaucoup trop simpliste car, si un modèle mécanique requiert forcément une loi de composition, une sorte de « mode d'emploi », l'acquisition d'une nouvelle structure s'incarne nécessairement dans des observables d'espace ou de temps. D'ailleurs, il est d'autant plus difficile de séparer les modèles de structures dynamiques plus abstraites qu'il s'agit d'un formalisme plus complexe et plus mathématique. Par exemple, les « modèles cosmologiques » actuels jouent un rôle très différent des anciens modèles d'éther. S'ils doivent, eux aussi, s'insérer dans un certain nombre d'équations aux dérivées partielles, ce n'est pas pour se substituer à la géométrie et pour en donner une version mécaniste simplificatrice. Les notions de « fluide parfait », de « rotations », de « cisaillements », les « conditions de symétrie » s'incarnent dans des formes très éloignées des données concrètes de la mécanique classique. La matière, comme le champ, se résout en structures qu'il est difficile d'assimiler aux anciens modèles et qui, cependant, n'en sont pas totalement disjointes.
Il n'empêche qu'on peut distinguer deux familles d'esprits, soucieuses de rattacher « le simple fait » à un modèle simple auquel s'appliquent des lois connues, ou bien à une opération suggérée par l'expérience et génératrice de ses propres définitions. Ampère et Faraday sont des représentants typiques de chacune de ces tendances : Ampère veut expliquer l'effet Œrsted (lignes de force circulaires créées par un courant électrique) par l'introduction de pôles auxquels on sait appliquer des lois connues ; Faraday se refuse à abandonner l'essentiel des données expérimentales sous prétexte qu'elles ne sont pas mathématisables. Ainsi va naître l'idée de « champ », notion qui, chez Faraday, n'est plus tout à fait un modèle mécanique, mais pas encore une structure mathématique.
Notons que les structures dynamiques partagent les prérogatives et les inconvénients des « modèles ».
– Valeur intuitive : affirmer avec Newton que « la lune tombe », prétendre avec Einstein qu'un point matériel, soumis aux forces de gravitation, se déplace librement dans un espace-temps courbe, procède d'une intuition dont le pouvoir de synthèse est bien supérieur au prestige des circulaires.
– Construction d'ensemble : les structures dynamiques accompagnent toute structuration fructueuse. On sait l'extension, souvent abusive, que donne au newtonianisme la physique attractionnaire du xviiie siècle. Les théories du champ, la théorie des groupes ont été, elles aussi, conduites à une politique conquérante.
– Pluralité : il est évident qu'une répartition arbitraire des paramètres peut affecter une structure mathématique aussi bien que les modèles primitifs. Ainsi peut-on imaginer que les propriétés des particules élémentaires peuvent se déduire de divers groupes concurrents. S'il existe[...]
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Écrit par
- Marie-Antoinette TONNELAT : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
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