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PHYSIQUE Physique et mathématique

La physique mathématique

On tentera maintenant de préciser le statut assez particulier de la « physique mathématique » en tant que branche spécialisée de la physique. On distinguera tout d'abord la physique théorique de la physique mathématique.

La physique théorique dégage et applique les lois et crée et met en œuvre les concepts physiques sous la contrainte de la physique expérimentale et en interréaction étroite avec celle-ci. Elle comporte différents niveaux, qui peuvent aller de l'interprétation de tel résultat expérimental spécialisé à l'aide des lois physiques connues jusqu'à la recherche de lois fondamentales nouvelles. Elle est mathématique dans la mesure où les mathématiques jouent le rôle constitutif qu'on a indiqué plus haut.

On désigne en général sous le nom de physique mathématique une activité beaucoup plus spécialisée, que l'on pourrait décrire comme une tâche de refonte et d'épuration de la physique théorique. Les théories physiques à leur naissance sont en effet marquées par les conditions historiques de leur production. Leur formulation garde souvent trace des luttes d'idées que leur découverte a exigées. Elles se présentent comme des édifices, neufs certes, mais encore recouverts d'échafaudages et parsemés de débris provenant des anciennes constructions qu'ils remplacent. Retirer les échafaudages, enlever les débris, mettre en pleine lumière la structure interne de l'édifice, la nature et la solidité de ses assises comme ses points faibles, c'est ainsi que l'on peut décrire la tâche de la physique mathématique. Il s'agit donc d'une activité nécessairement récurrente, portant sur des théories et des concepts déjà créés et assurés. Elle permet d'évaluer le degré exact de corrélation entre un certain nombre d'énoncés théoriques, donc d'estimer la rigidité ou la souplesse relatives d'un système théorique face à la nécessité ou à l'éventualité d'une refonte. On donnera en exemple certains développements de la théorie de la relativité restreinte. Le noyau de cette théorie, à savoir l'invariance des lois physiques par le groupe de transformation de Lorentz, fut établi par Einstein à partir de l'hypothèse de la constance universelle de la vitesse de la lumière. Cette constance, néanmoins, est un résultat expérimental, certes déterminé avec une grande précision, mais susceptible d'être remis en cause. Une telle remise en cause ruinerait-elle la théorie de la relativité elle-même ? C'est une tâche du physicien mathématicien que d'établir la nature de la corrélation entre cette hypothèse et cette théorie. On sait maintenant que celle-ci n'est qu'une condition suffisante mais nullement nécessaire de celle-là. La théorie de la relativité peut être fondée sur des hypothèses beaucoup plus générales, à partir de l'existence d'un principe de relativité abstrait et à l'aide de la théorie des groupes. On considère même aujourd'hui que la constance de la vitesse de la lumière est une conséquence très particulière de la relativité einsteinienne, due à la nullité de la masse du photon (d'ailleurs, la vitesse de la lumière est aussi celle des neutrinos).

On retrouve ici l'impossibilité d'axiomatiser la physique de façon unique – fût-ce à un moment donné. Il est en effet essentiel de savoir qu'une loi ou une théorie physique peut se déduire de plusieurs jeux de principes, plus ou moins généraux, plus ou moins plausibles. Si la pratique infirme la théorie elle-même, on en conclura qu'au moins une hypothèse dans chaque jeu est invalidée. À l'inverse, quand une hypothèse est contredite, il faut se garder d'en conclure à la faillite de la théorie dans son ensemble. Cependant, la physique mathématique est une activité de physiciens et non de mathématiciens,[...]

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