QUANTIQUE PHYSIQUE
Problèmes d'interprétation et controverses
La physique quantique présente des caractères inhabituels, dont l'interprétation a été longuement discutée. Cette réflexion a donné lieu à des controverses passionnées, dont certaines durent encore.
Tout d'abord, les relations de Heisenberg limitent la détermination simultanée des positions et des impulsions. À l'inverse de ce que sous-entend la physique classique, il faut admettre que la position, la vitesse, le moment angulaire, etc. ne sont pas des grandeurs que « possède » une particule mais simplement le résultat de mesures, c'est-à-dire d'interactions entre la particule et des appareils. Une mesure de position, par exemple, nécessite des appareillages incompatibles avec ceux qui mesurent l'impulsion, et la perturbation apportée par chaque mesure au système étudié ne peut pas être négligée à l'échelle des particules.
Par ailleurs, du fait de l'étalement des résultats de mesure, on ne peut faire de prédictions qu'en termes de probabilités. En physique classique, l'apparition de probabilités est attribuée à une ignorance partielle sur l'ensemble des grandeurs. En physique quantique, il s'agit d'une nécessité intrinsèque, aussi complète que soit la connaissance possible du système. Cette connaissance maximale est donnée par le « vecteur d'état », et non par les valeurs des grandeurs physiques mesurées. En un sens, le déterminisme est donc préservé, puisque l'état évolue selon des lois parfaitement déterministes : les équations de la mécanique quantique. Cependant, l'aspect probabiliste des résultats de mesure a choqué certains auteurs, qui ont imaginé l'existence de variables cachées partiellement ignorées (cf. déterminisme).
En 1935, Albert Einstein, Boris Podolsky et Nathan Rosen avaient proposé une expérience qui leur semblait de nature à établir le caractère incomplet de la théorie quantique : un système de spin 0 se désintègre en deux particules, qui partent dans des directions opposées. Le moment angulaire étant conservé, les deux particules doivent avoir des spins de sens contraires, mais chacun des spins reste indéterminé. Si l'on mesure alors le spin d'une des particules, on se trouve brusquement connaître celui de l'autre. Or la seconde particule, étant très éloignée, n'a pas pu être perturbée : l'interprétation des auteurs est qu'un « élément de réalité », nécessairement possédé par la seconde particule (là est peut-être un point faible de l'argument...), n'est pas pris en compte par la mécanique quantique.
En 1964, John Bell établit des inégalités permettant de distinguer entre la théorie quantique et une théorie de variables cachées, quelle qu'elle soit (du moins tant que les variables restent locales). Des expériences du type Einstein-Podolsky-Rosen ont finalement été réalisées entre 1972 et 1982, principalement par Alain Aspect à l'Institut d'optique de l'université d'Orsay : compte tenu des inégalités de Bell, ces expériences tranchent définitivement en faveur de la mécanique quantique, excluant toute théorie de variables cachées locales. Reste un point troublant : la prédiction correcte est obtenue en attribuant un vecteur d'état à l'ensemble des deux particules, même très éloignées l'une de l'autre. Des systèmes qui proviennent d'une source commune, même lointaine dans le temps ou dans l'espace, doivent être, dans certains cas, considérés comme non séparables. Beaucoup d'encre a coulé à propos de cette non-séparabilité, certains allant jusqu'à dire que seule la fonction d'onde de l'Univers entier (tout à fait inaccessible !) avait un sens. Personne n'a vraiment explicité les conditions sous lesquelles on peut légitimement[...]
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Écrit par
- Claude de CALAN : directeur de recherche au C.N.R.S., centre de physique théorique, École polytechnique, Palaiseau
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