PHYTOGÉNÉTIQUE
Remaniements de l'information génétique
Échanges chromosomiques intraspécifiques et interspécifiques
On sait réaliser des individus qui possèdent le stock chromosomique diploïde normal pour toutes les paires chromosomiques sauf une, qui peut être totalement manquante (nullisomique) ou représentée par un seul chromosome (monosomique), ou par trois (trisomique), ou par quatre (tétrasomique) chromosomes homologues.
C'est chez le blé que la plus grande maîtrise de ces équilibres chromosomiques a été acquise. En particulier, il est relativement facile de compléter au nombre normal la nullisomie d'une plante « receveuse » en la croisant avec un « donneur » tétrasomique pour la paire chromosomique concernée. Les équipes les plus avancées, comme celle de Riley en Angleterre, peuvent donc actuellement réaliser des hybrides où l'on substitue dans une variété un chromosome, voire parfois un fragment chromosomique, à celui d'une autre variété. On aborde ainsi une nouvelle phase dans l' hybridation où, éventuellement, on pourrait créer une variété modèle, résultant de la juxtaposition des « meilleures » paires chromosomiques prises dans une collection de lignées.
Cependant, la mise en œuvre de méthodes aussi sophistiquées nécessite un travail et un délai importants. Les ambitions des chercheurs n'en sont pas restées là et, dès maintenant, des remaniements plus profonds sont envisagés par d'autres voies telles que la fusion cellulaire et la transformation génétique.
Fusions cellulaires
Dans la recombinaison des caractères héréditaires, il a souvent été tentant de transférer les qualités d'une espèce à une autre : par exemple la pérennité et la rusticité des chiendents à la productivité et aux qualités meunières du blé, mais ce rêve et bien d'autres encore se sont évanouis devant la nécessité d'une compatibilité biologique suffisante lors de l'hybridation, ou d'une homologie rigoureuse des chromosomes, indispensable aux appariements de ces structures lors de la méiose. Or, dans le domaine des cellules animales, un événement très significatif, l'hybridation somatique entre deux lignées cellulaires différentes de souris, fut observé, en 1960, dans les laboratoires de G. Barski, S. Sorieul et F. Cornefort à Villejuif.
Sous l'impulsion de B. Ephrussi, les succès de cette technique se sont développés : augmentation de la fréquence des hétérocaryons (cellules possédant deux noyaux différents), extension de l'hybridation à des espèces éloignées (homme × souris, homme × hamster). Aujourd'hui, cette hybridation entre cellules animales, qui est suivie d'un rejet de certains chromosomes, permet la compréhension des interactions entre le noyau et le cytoplasme (co-expression, extinction, dosage des gènes) et surtout la localisation des caractères sur les chromosomes humains.
Un obstacle spécifiquement végétal s'opposait cependant à l'union des cellules : la paroi cellulosique qui forme un caisson rigide dont il faut se débarrasser pour obtenir une cellule « nue », le protoplaste, équivalente à la cellule animale.
Par des traitements enzymatiques décrits par E. C. Cocking (1960), puis par A. Ruesink et R. V. Thiman (1965), on a pu réaliser une attaque de cette paroi. Les principes du traitement sont simples, encore que l'obtention de protoplastes viables soit extrêmement délicate : on « digère » les parois cellulosiques et pectiques dans un milieu légèrement plasmolysant (sucrose, manitol, sorbitol, etc.).
Ces protoplastes peuvent être obtenus à partir de tissus variés : cotylédons, cambium, pétales, culture in vitro..., mais le mésophylle constitue la source le plus fréquemment utilisée.
Dès 1970, E. C. Cocking avait mis en évidence des fusions spontanées entre protoplastes de méristèmes racinaires traités[...]
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Écrit par
- Yves DEMARLY : professeur universitaire, directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique
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