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PHYTOPATHOLOGIE

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Rouilles, mildious, oïdiums et autres maladies des plantes sont autant de mots imprimés dans la mémoire collective des hommes, tant ils sont évocateurs d’épidémies aux conséquences multiples. C’est à l’étude des maladies parasitaires des plantes que se consacre la pathologie végétale ou phytopathologie. Elle n’a émergé qu’au début du xixe siècle comme discipline scientifique, bien que la prise de conscience des maladies végétales ait été bien antérieure, sans doute contemporaine des débuts de l’agriculture, voilà plusieurs millénaires.

Au xixe siècle, la survenue d’épidémies dévastatrices (mildiou, oïdium) et les avancées simultanées en parasitologie et génétique marquent un tournant décisif. Dès lors commence l’analyse des interactions entre le pouvoir pathogène des parasites et la résistance des végétaux. Elle conduit, à la fin du xxe siècle, à la notion d’ immunité innée qui met en lumière le potentiel des plantes à se défendre contre les attaques parasitaires.

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Malgré l’avancée spectaculaire des connaissances en phytopathologie, l’impact économique et social des maladies demeure encore élevé. Selon les plantes cultivées et les pays, les pertes de rendement dues aux maladies (avant et après récolte) peuvent varier de 10 à 50 p. 100, avec d’importantes répercussions sur l’alimentation mondiale. Plus que jamais, en ce xxie siècle, la raison d’être de la phytopathologie est de « comprendre pour protéger ».

Histoire de la phytopathologie

Des croyances de l’Antiquité aux connaissances actuelles, bien des étapes jalonnent l’histoire de la phytopathologie. Ce sont d’abord les écrits de Théophraste, philosophe grec (371/370-288/287 av. J.-C.), qui relatent l’existence de maladies sur diverses plantes. Ensuite, les Romains implorent le dieu Robigo pour épargner les céréales de ce fléau qu’est la « rouille ». Durant l’époque médiévale et la Renaissance, les maladies provoquent des disettes, et la consommation de seigle atteint de l’ergot entraîne la mort. La mise au point du microscope vers le milieu du xviie siècle, par le savant hollandais Antoine van Leeuwenhoek (1632-1723), est une étape importante car cet instrument va permettre l’observation de l’ anatomie des plantes et la découverte de microorganismes dans les tissus infectés. En 1807, Isaac-Bénédict Prévost (1755-1819) démontre en laboratoire que la carie des céréales est une maladie causée par un champignon – Tilletia caries – mais il n’est pas écouté par l’Académie des sciences car ses contemporains croient alors en la génération spontanée, théorie selon laquelle les microbes sont associés aux maladies mais n’en sont pas la cause.

Mildiou - crédits : A. & H.-F. Michler/ Science Photo Library/ Biosphoto

Mildiou

Ce sont les épidémies et les grandes découvertes scientifiques du xixe siècle qui marquent un tournant décisif dans l’essor de la phytopathologie. En effet, l’apparition de l’épidémie de mildiou en provenance du Mexique, qui sévit sur la pomme de terre en Europe septentrionale (1845-1848), notamment en Irlande, fait prendre conscience de la gravité des conséquences des maladies des plantes, tant démographiques que géopolitiques. La famine causée par le mildiou provoque la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes et l’émigration massive d’au moins un million et demi d’habitants vers le Nouveau Monde. En 1876, le biologiste allemand Anton de Bary (1831-1888) montre expérimentalement que cette maladie est causée par un microorganisme filamenteux fongiforme qu’il dénomme Phytophthora infestans (plus tard reconnu comme étant un oomycète et non un champignon). À la même époque, les travaux de Louis Pasteur (1822-1895) et de Robert Koch (1843-1910) décrivent l’origine bactérienne des maladies chez les animaux et jettent les fondements de la parasitologie et de la microbiologie modernes.

Mosaïque du tabac - crédits : N. Cattlin/ Visuals Unlimited/ Corbis

Mosaïque du tabac

Avec la survenue sur les vignobles européens de maladies aux conséquences dramatiques –  oïdium (1847), mildiou (1878), toutes deux provenant d’Amérique –, on mesure les effets des échanges internationaux sur l’importation des maladies. C’est alors que Pierre Millardet (1838-1902) met au point, en 1885, un mélange à base de sulfate de cuivre qui permet de traiter efficacement le vignoble contre le mildiou. Connu sous le nom de « bouillie bordelaise », ce produit est encore très utilisé, y compris sur d’autres cultures et vis-à-vis d’autres pathologies. Il marque le début de la lutte chimique, qui prendra son plein essor au xxe siècle. À la fin du xixe siècle, Dimitri Ivanovski (1864-1920) découvre l’agent responsable de la mosaïque du tabac (1892), que Martinus Beijerinck (1851-1931) dénommera un peu plus tard « virus » (1898). Le virus de la mosaïque du tabac (VMT) sera observé en microscopie électronique pour la première fois en 1939 par Gustav Kausche. Les viroïdes, particules plus petites que les virus et spécifiques du règne végétal, seront découverts bien plus tard, en 1971 par Theodor O. Diener.

Parallèlement, c’est durant la seconde moitié du xixe siècle que Gregor Mendel (1822-1884) fait une découverte décisive : en analysant la descendance de petits pois de phénotypes différents (grains lisses et grains ridés), ce botaniste énonce les lois de la génétique qui rendent compte de l’héritabilité des caractères.

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Toutes ces connaissances constituent les fondements de nouveaux concepts développés à partir du xxe siècle. En 1905, le Britannique Rowland H. Biffen (1874-1949) est le premier à démontrer que la génétique mendélienne peut être appliquée à l’obtention de variétés de blé résistantes à la rouille. Sur cette base, l’amélioration génétique de la résistance aux maladies est ensuite étendue à de nombreuses cultures. La connaissance des mécanismes qui régissent les interactions entre les plantes et les microorganismes progresse elle aussi. En quelques étapes, on passera de l’étude des agents pathogènes et des maladies qu’ils engendrent à la démonstration en 1946-1947, par Harold H. Flor (1900-1991), de l’importance des gènes (onparle de déterminisme génétique)dans les relations hôte-parasite. C’est le concept « gène pour gène », qui sera illustré à partir de 1983 par l’isolement des gènes postulés par lestravaux de Harold Flor.Il s’ensuit également la notion d’  « éliciteur » (terme issu du verbe anglais to elicit, « provoquer »), d’abord énoncée par Noël T. Keen (1940-2002) en 1975, c’est-à-dire de molécules produites par l’agent pathogène et dont la reconnaissance par les plantes induit de nombreuses réactions de défense. Ce concept sera ensuite élargi en 1978 par les travaux de Peter Albersheim qui font notamment émerger la notion d’éliciteur endogène, c’est-à-dire de substances (oligosaccharides) présentes dans les parois des cellules de la plante et qui engendrent, une fois libérées au niveau des lésions (dégradation des parois), des réactions de défense. Enfin, grâce au génie génétique qui met à profit l’aptitude de la bactérie Agrobacteriumtumefaciens à transférer des gènes dans le génome des plantes, on pourra apprécier les retombées des mécanismes postulés par ces concepts et moduler expérimentalement la résistance aux maladies.

Dans les années 2000, un nouveau pas est franchi avec le séquençage de divers génomes, dont le décryptage identifie les gènes et fournit de nombreux marqueurs utilisables pour l’amélioration de la résistance aux maladies. Finalement, l’avènement des techniques de génomique va permettre d’analyser la coévolution du pouvoir pathogène et de la résistance des plantes, et de proposer le concept d’immunité innée dont une composante est commune aux plantes et aux animaux.

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Mildiou - crédits : A. & H.-F. Michler/ Science Photo Library/ Biosphoto

Mildiou

Mosaïque du tabac - crédits : N. Cattlin/ Visuals Unlimited/ Corbis

Mosaïque du tabac

Cloque du pêcher - crédits : canoniroff/ Shutterstock

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