PIANO
Dans le monde occidental, le piano est devenu, après la guitare, l'instrument le plus répandu dans le grand public. En effet, sa polyphonie et sa tessiture (possibilité de jouer plusieurs notes ensemble sur une grande étendue d'octaves) en ont fait l'instrument de base de toute éducation musicale. Le piano se suffit à lui-même et peut exprimer tous les genres. Si son succès a été confirmé, il faut rappeler que ses débuts ont été bien hésitants, et son utilisation quelquefois contestée par les premiers compositeurs qui l'ont découvert.
Les pianoforte du xviiie siècle, en effet, ne ressemblaient en rien aux pianos d'aujourd'hui... Contrairement à beaucoup d'autres instruments solistes qui avaient déjà acquis leur forme définitive (harpes, violons, guitares, vents, etc.), les premiers pianos étaient assez « chétifs » et de conceptions assez différentes d'un facteur à l'autre, d'un pays à l'autre. Il fallut attendre la fin du xixe siècle pour voir se généraliser les principes de fabrication qui sont maintenant les nôtres (cadre métallique, cordes croisées, mécanique à répétition perfectionnée, feutres sur les marteaux, etc.). L'esthétique sonore s'est ainsi modifiée considérablement en un siècle, et le timbre des instruments d'aujourd'hui est bien différent de celui des pianoforte ou Hammerflügel (pianos à queue à marteaux) de Beethoven, Schubert, Schumann, Liszt ou Chopin.
La production actuelle de pianos en très grande série a bien souvent conduit les fabricants à chercher une sonorité « idéale », certes dépouillée de tous défauts objectifs (harmoniques, résonances parasitaires...) mais qui se révèle assez inapte à l'expression poétique. Il convient cependant de louer les bienfaits de cette évolution, qui offre la possibilité de diffuser à des prix raisonnables une très grande quantité d'instruments fiables pour l'étude, dans le monde entier et sous tous les climats. Toutefois, la conservation et la restauration des instruments anciens est absolument nécessaire pour garder la référence de sonorité des compositeurs du xixe siècle et retrouver ainsi, comme pour le clavecin, les bases d'esthétique sonore indispensables à une juste interprétation.
Histoire de l'instrument
Le piano est né de l'association d'un clavier utilisé comme base de la réalisation de l'écriture musicale – à ce titre, il a hérité de l'orgue, du clavecin et du clavicorde – et d'une percussion contre des cordes tendues sur une structure de résonance (cadre, caisse et table d'harmonie). Il s'agit là d'un héritage du psaltérion et du tympanon, instruments à cordes frappées au moyen de petits maillets que l'on retrouve encore aujourd'hui sous le nom de cymbalum en Europe centrale.
On attribue à Bartolomeo Cristofori, au tout début du xviiie siècle (vers 1709), l'invention ingénieuse de la première mécanique de gravicembalo col piano e forte (« clavecin avec les nuances douces et fortes ») : c'était un instrument à clavier et à marteaux susceptible de moduler l'intensité sonore en fonction d'une frappe plus ou moins accentuée sur la touche. Cet instrument, appelé d'abord « pianoforte », prit ensuite, par simplification, le nom de « piano ». Les premiers instruments fabriqués en Europe dans la première moitié du xviiie siècle par le Français Jean Marius et les Saxons Christoph Gottlieb Schröter et Gottfried Silbermann n'eurent guère de succès auprès des compositeurs et musiciens. Il fallut attendre 1770 pour qu'un disciple de Silbermann, Johann Andreas Stein, inventât la « mécanique autrichienne » au clavier souple et léger, manquant de force mais à la sonorité fine et chantante, laquelle enthousiasma Mozart, qui abandonna le clavecin au profit du nouvel instrument.[...]
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Écrit par
- Daniel MAGNE : agent général pour la France des pianos Bösendorfer, expert et conseiller technique auprès du Conservatoire national de musique de Paris, membre de l'Association française des accordeurs-réparateurs de piano
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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