PIANO
La littérature pour piano
La plupart des compositeurs se sont tournés vers le piano, cet instrument privilégié, en faisant appel à ses ressources les plus variées, de la musique de chambre au concerto, du récital à l'accompagnement, sans oublier la musique à deux pianos ou pour piano à quatre mains. Sa richesse polyphonique lui permet de recréer un univers harmonique auquel peu d'instruments peuvent accéder.
Le piano étant l'héritier d'une longue descendance d'instruments à clavier, son répertoire propre ne voit le jour que progressivement, à mesure que s'imposent ses nouvelles ressources. La musique pour clavier de la seconde moitié du xviiie siècle s'adresse indifféremment au clavecin ou au pianoforte. Carl Philipp Emanuel Bach est peut-être le premier à faire une distinction, dans son Double Concerto pour clavecin et pianoforte (1778). Son traité Versuchüber die wahre Art dasKlavierzuspielen (1753 ; Essai sur la vraie manière de jouer des instruments à clavier, Lattès, Paris, 1979) compare les mérites et la technique des deux instruments.
Dans la musique de Haydn et de Mozart se dégagent les grands traits spécifiques de l'écriture pianistique : puissance, dramatisme, vélocité. La main gauche sort du cadre figé de la basse d'Alberti (décomposition en arpèges de l'accord) et se voit même confier des séquences mélodiques. Les dix-sept sonates, les fantaisies et les variations de Mozart révèlent une étonnante diversité qui prend toute sa mesure dans ses vingt-sept concertos, composés entre 1767 et 1791. La nuance, la couleur et le phrasé deviennent des éléments fondamentaux d'un langage qui se rapproche souvent de la voix humaine, grâce aux possibilités expressives du nouvel instrument.
À l'aube du romantisme, de nombreux virtuoses composent, pour eux-mêmes, des pages qui exploitent avant tout les ressources techniques du piano : sonates et études de Karl Czerny, Johann Baptist Cramer ou John Field, plus connu pour ses nocturnes. La musique de Muzio Clementi se situe à un autre niveau et cherche à réaliser une synthèse (Gradus ad Parnassum, 1817-1826) qui annonce parfois les grandes sonates de Beethoven ou l'écriture de Liszt (Sonate « Didone abbandonata », op. 50 no 3).
La véritable autonomie du piano est due en partie à ces compositeurs virtuoses, mais surtout à Beethoven qui, pianiste lui-même, fait de son instrument un confident ; il compose trente-deux sonates – la seule forme pour laquelle il n'ait jamais cessé d'écrire (1794-1822) –, cinq concertos, et des pièces de musique de chambre où le piano tient une partie centrale. Balayant l'héritage reçu, Beethoven crée de nouvelles formes mieux adaptées au langage qu'il confie à son instrument d'élection : poésie (Sonate no 14 « Clair de lune » ou Sonate no 15 « Pastorale »), force dramatique (Sonate no 8 « Pathétique »), élans tourmentés (Sonate no 23 « Appassionata »), imitation des sonorités de l'orchestre, lutte contre les éléments (les cinq dernières sonates). Ses concertos voient le piano s'affirmer face à un orchestre plus étoffé que celui de Mozart : les progrès de la facture le lui permettent, mais la langue a aussi considérablement évolué, faisant appel aux ressources de la pédale, à une écriture en octaves ou arpégée qui dégage une masse sonore considérable (Concerto no 5 « L'Empereur »). Beethoven sait également se montrer intimiste, réduisant l'intervention du piano à une simple phrase face à un orchestre déchaîné (Concerto no 4).
Le romantisme
Les premiers compositeurs romantiques s'attachent davantage à la virtuosité naissante de l'instrument qu'à la diversité de ses possibilités : Weber ou Mendelssohn – plus poète dans ses Romances sans paroles – se montrent avides de traits jaillissants,[...]
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Écrit par
- Daniel MAGNE : agent général pour la France des pianos Bösendorfer, expert et conseiller technique auprès du Conservatoire national de musique de Paris, membre de l'Association française des accordeurs-réparateurs de piano
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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