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PICASSO ET LE PORTRAIT (exposition)

Ni l'étendue ni la diversité de l'œuvre de Picasso ne constituent plus une surprise. L'Hommage à Picasso, la grande rétrospective du Grand Palais et du Petit Palais, avait, en 1966, largement révélé cette ampleur. L'ont confirmée les donations et les dations mettant parfois au jour ce que l'artiste conservait par-devers lui – le plus intime, voire le plus chiffré. Sans que l'on néglige que cette œuvre a pour arrière-fond, voire pour assise, des Écrits dont l'ensemble est maintenant publié, et aussi qu'elle entretenait un rapport particulier avec la photographie telle que la pratiquait Pablo Picasso. Toutes ces pièces sont à présent à notre disposition, et l'on avancerait presque que la reconnaissance et l'interprétation du continent Picasso commencent à peine.

Picasso et le portrait (exposition organisée par le Museum of Modern Art, à New York, du 28 avril au 17 septembre 1996, et la Réunion des musées nationaux-musée Picasso, à Paris aux Galeries nationales du Grand Palais du 15 octobre 1996 au 20 janvier 1997) s'annonçait sous un titre qui, apparemment, n'inscrivait pas l'œuvre de l'artiste, du moins une part de celle-ci, dans la perspective de la modernité vue comme une succession de formes. Cette pensée peut venir à la lecture de telle considération de Jean Clair. À propos de la « physionomie » dans Petit Dictionnaire désordonné de l'Âme et du Corps, catalogue de l'exposition L'Âme au corps (1989), repris dans Éloge du visible (1996) notant l'intérêt et l'importance du portrait à diverses époques, Jean Clair fait cette remarque : « Qu'en est-il, en revanche, des époques comme la nôtre, de retrait, d'isolement chagrin, quand le peintre n'est plus capable de peindre aucun visage, pas même le sien, qu'il fuit ? »

Cette exposition irait donc à contre-courant de l'une des lignes de force de la modernité. Mais, en même temps, suivrait peut-être la ligne de plus grande pente du goût du public. En seraient une preuve l'orientation de certains jeunes artistes retrouvant le portrait ou l'intérêt suscité par des expositions récentes : Lucian Freud et Bacon à la Fondation Maeght en 1995 ; rétrospective, au Centre Georges-Pompidou (1996), de l'œuvre de Francis Bacon, fertile en portraits dont certains mouvements de torsion et d'arrachement ne cachent pas ce qu'ils doivent aux portraits peints par Picasso en 1939-1940.

L'exposition du Grand Palais accueillait 142 œuvres appartenant aux grands musées, à des collections privées ou au musée Picasso de Paris : du Museum of Modern Art le Portrait de Gertrud Stein (1906), dont le « masque » est l'objet de gloses innombrables ; l'Autoportrait à la palette (1906) du Philadelphia Museum of Art campe l'artiste face à l'inconnu de l'art, celui de la Národni Galerie de Prague (1907) le montre face à son image s'interrogeant dans le miroir ; du musée Picasso de Barcelone l'élégance rose de Madame Canals ; de celui de Paris, marquant l'entrée de l'exposition, deux toiles « bleues » de 1901, l'Autoportrait et La Célestine, ou la rencontre du doute et de l'émotion avec l'ordre pictural. Et bien d'autres chefs-d'œuvre rarement réunis.

Car l'un des pôles d'intérêt de la manifestation est la confrontation d'œuvres conçues ensemble et que le hasard a séparées. Ainsi les études pour Femme se coiffant (Dora) : à Paris sont conservées les études, à New York le tableau (1940). Ou bien les deux toiles, toutes deux datées du 21 janvier 1939, intitulées Femme couchée avec un livre : l'une est Marie-Thérèse, l'autre Dora. Un même thème, un même lieu, un même jour, deux styles, comme deux mondes, de nouveau rapprochés. Autre rencontre, celle, jamais réalisée, des deux[...]

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