PICASSO ET LES MAÎTRES (exposition)
Avec Picasso et les maîtres (Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 8 octobre 2008-2 février 2009), c'est une exposition « blockbuster », comme on dit dans le jargon anglo-saxon du théâtre, du cinéma et des musées, c'est-à-dire une superproduction promise au plus grand succès (plus de 8 000 visiteurs par jour), que la Réunion des musées nationaux et le musée national Picasso ont organisée, avec le soutien du groupe L.V.M.H. Provenant de collections publiques et privées françaises et étrangères, 210 œuvres majeures de l'artiste et des maîtres avec lesquels il s'est mesuré, tout au long de son parcours, étaient accrochées dans ce lieu voué à l'art et aux foules, que Picasso découvrit en 1900 à l'occasion de l'Exposition universelle.
Formé aux règles strictes de la tradition académique auprès de son père, le peintre José Ruiz Blasco (professeur à l'école des Beaux-Arts et directeur du musée de Málaga), puis à l'école des Beaux-Arts de la Corùna (Barcelone), enfin, brièvement, à l'académie San Fernando (Madrid), médaillé dès l'âge de dix-sept ans, Pablo Picasso, dont la vitalité qui animait les foyers de Barcelone et de Paris a catalysé l'évolution, est devenu, à travers l'innovation formelle du cubisme et grâce au processus créateur qui lui fut propre, la référence de l'art moderne et contemporain.
Cette mutation s'est d'évidence nourrie d'un sentiment d'oppression face au système de l'académisme, et d'une véritable volonté de subvertir les valeurs établies, au prix non d'un rejet mais d'un dialogue constant et tendu avec les « maîtres ». Picasso, il faut le souligner, fut un collectionneur, et, face aux maîtres, sa réaction prit les formes de la transposition, du détournement, de la dénaturation, voire plus d'une fois de l'ironie ou d'une feinte innocence.
Si l'emprunt et la citation sont fréquents dans l'œuvre des plus grands artistes, avec Picasso on n'hésite pas à parler de « cannibalisme ». En effet, sa démarche est continue et radicale, comme si l'inscription dans l'histoire de l'art ne pouvait plus s'obtenir qu'à ce prix. Ce qu'il mit ainsi en place, c'est une « peinture de la peinture », pour reprendre la formule d'Anne Baldassari, directrice du musée Picasso et commissaire générale de l'exposition.
Dans une muséographie de Jean-François Bodin qui cherchait à souligner ce dialogue permanent et sans révérence, le parcours proposé s'ordonnait en dix grandes sections combinant les approches thématiques et chronologiques. L'ambition de l'artiste se devinait d'emblée dans « Yo, Picasso », qui montrait la confrontation saisissante des premiers autoportaits avec ceux des maîtres de prédilection de l'artiste. Elle devenait explicite dans « Modèles : la copie de la copie ». Là, passées les études de jeunesse d'après des plâtres d'antiques, qui ne laissent encore rien pressentir, on voyait Picasso s'emparer librement, de la période de Gósol au retour à la grande figuration du début des années 1920 en passant par la période proto-cubiste, de modèles et de thèmes classiques (kouroï, nus, baigneuses, femmes au bord de la mer). Les réminiscences antiques se combinent alors aux emprunts à Greco, Gauguin, Puvis de Chavannes, Cézanne ou Renoir, dans des registres qui vont de la tendresse humaine à la recherche d'une monumentalité inédite.
« Couleurs. Indigomanie et peintures noires » montrait Picasso s'emparant d'une gamme qui, depuis le scandale des violets et des bleus de Manet au Salon de 1881, symbolisait la modernité en peinture. C'est la « période bleue », avec ses figures expressionnistes qui font penser tantôt à Greco, tantôt à Goya, ses simplifications formelles inspirées[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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