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PICASSO-RODIN (expositions)

Par la qualité comme par le nombre ‒ cinq cents ‒ des œuvres et documents rassemblés, en raison aussi de l’envergure exceptionnelle de ces deux géants de l’art moderne et contemporain, l’exposition Picasso-Rodin (19 mai 2021-2 janvier 2022) s’est révélée une des réussites de la saison française. Elle a permis de (re)découvrir, dans ces deux musées monographiques parisiens, des chefs d’œuvre aussi essentiels que le Balzac de Rodin au musée Picasso ou les Baigneurs de Picasso dans la cour de l’hôtel Biron, au musée Rodin.

Chassé-croisé

Ce jeu de déplacement d’œuvres célébrissimes stimulait d’autant plus l’imagination que, malgré l’abondance des archives accumulées sur les moindres traces de leur travail et de leur vie, aucun contact direct entre les deux hommes n’est avéré. Mort en 1917, Rodin aurait eu le temps d’exprimer, dans une de ses nombreuses interventions orales ou écrites, une opinion sur le cubisme inventé par Picasso, sur ses sculptures primitivistes de 1907, voire sur Les Demoiselles d’Avignon. Il n’en est rien et nul ne peut savoir ce que le maître de Meudon pensait des inventions, radicales et majeures, de l’art avant-gardiste contemporain.

Picasso, de son côté, se trouvait à Paris en 1900 et il est seulement probable, mais non certain, comme le suggèrent les commissaires de l’exposition, Catherine Chevillot, Virginie Perdrisot-Cassan et Véronique Mattiussi, qu’il ait visité la grande exposition organisée par Rodin au pavillon de l’Alma en marge de l’Exposition universelle. On sait seulement que le jeune artiste accrocha, au mur de son atelier de Barcelone en 1901, l’année de ses vingt ans, une reproduction photographique du Penseur, installé cette année-là devant le Panthéon à Paris. Ensuite, les premiers modelages de Picasso, qui fut formé au dessin et à la peinture et resta dans la sculpture un autodidacte, attestent du rayonnement de l’esthétique rodinienne qui le marque avec évidence comme elle influence la majorité des artistes antiacadémiques à l’aube du xxe siècle. Enfin, lorsque Picasso est à son zénith, les anecdotes abondent sur la réserve qu’il manifesta à l’égard du maître de Meudon. Ainsi en 1952, lorsqu’on envisage d’installer le Victor Hugo de Rodin sur la place parisienne éponyme, Picasso ironise : « Le Rodin est une petite chose pour une grande place. Ce serait très bien si on n’a pas autre chose en attendant. En attendant mon monument, par exemple… »

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII

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