BERGÉ PIERRE (1934-1997)
Pierre Bergé, chercheur et expérimentateur talentueux, fut un grand physicien dans le domaine de la matière condensée. Originaire de Pau, il fit ses études supérieures à l'École centrale de Nantes. Toute sa carrière de physicien fut effectuée au Commissariat à l'énergie atomique, centre d’études de Saclay, où il entra en 1957. Il y exerça les fonctions de chef du service de l'état condensé de 1979 à 1990, puis, de 1991 à fin 1994, de responsable du département de recherche sur l'état condensé, les atomes et les molécules. Excellent pédagogue, Bergé a aussi été très sollicité pour l'enseignement et la communication. Sensible aux problèmes de l'enseignement et de la place des sciences, il préside, en 1989, le groupe de réflexion sur les sciences physiques de la commission Bourdieu, et s'investit, en 1994, au sein du Conseil national des programmes. Il s'attachera à faire prendre des positions pour le développement d'un enseignement des sciences concret et attractif.
Bien que le nom de Pierre Bergé soit associé aux recherches sur le chaos déterministe, sa créativité s'est manifestée dans de nombreux domaines de la physique situés à la pointe de la recherche. Sa thèse de doctorat (1961) porte sur les défauts d'irradiation dans les solides. Avec la mise au point des lasers, une évolution importante concerne les études de diffusion de la lumière, qui permettent d'avoir des informations sur la dynamique de certains états de la matière. Bergé aborda d'abord seul ce nouveau domaine. Il avait la qualité rare d'élaborer ses propres schémas des phénomènes physiques, débarrassés de tout formalisme, puis de réaliser l'expérience pertinente la plus simple. Bergé imagina ainsi des expériences fondamentales sur la cohérence optique (notion très peu connue à l'époque) et étudia l'intensité des signaux en termes de battements de photons. Plus tard, il utilisera cette technique pour donner une première confirmation expérimentale de la théorie des fluctuations dynamiques critiques dans les mélanges binaires. Une autre application intéressante de la diffusion de la lumière fut développée dans le domaine du mouvement de micro-organismes vivants, en relation avec des problèmes de fertilité animale, puis humaine.
Pierre Bergé s'est ensuite orienté vers les instabilités hydrodynamiques avec l'idée d'approfondir l'analogie entre phénomènes critiques et transitions dans les systèmes macroscopiques. Des études quantitatives très fines sur l'instabilité de Rayleigh-Bénard, menées avec quelques collaborateurs, l'ont conduit à des premières expérimentales. Dans une continuité logique, il aborda le domaine de la turbulence. Après 1975, le concept de chaos déterministe commençait à être connu des physiciens. Bergé a pressenti les conditions expérimentales les plus favorables pour le mettre en évidence. Avec ses collaborateurs, il découvrit ainsi de nouveaux états dynamiques et observa le premier attracteur étrange (représentation dynamique de certains états turbulents) expérimental d'origine hydrodynamique. Un nouveau « paradigme » venait d'être créé. Le travail réalisé fut pour lui l'occasion d'écrire, avec Yves Pomeau et Christian Vidal, une des références concernant le chaos : L'Ordre dans le chaos (Hermann, 1984). La suite s'inscrit dans l’étude des comportements chaotiques spatio-temporels. Les premières observations de comportements intermittents eurent lieu en 1986 ; elles furent suivies par l’étude sur des spots turbulents en écoulement ouvert cisaillé. Cet ensemble de travaux et d'idées sont regroupés dans un dernier livre écrit aussi en collaboration avec Pomeau et Vidal (Espaces chaotiques, Hermann, 1997).
Tout au long de sa carrière, Pierre Bergé défendit l'approche[...]
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Écrit par
- Louis BOYER : professeur d'université, université d'Aix-Marseille
- Monique DUBOIS-GANCE : physicienne, Centre d'études de Saclay
- Yves POMEAU : directeur de recherche, laboratoire de physique statistique de l'École normale supérieure
Classification
Média