BONNARD PIERRE (1867-1947)
Pierre Bonnard est un des peintres les plus importants de la première moitié du xxe siècle et l'un des plus grands coloristes de la peinture occidentale. Après avoir été l'un des principaux représentants du nabisme, il évolue vite vers une peinture très personnelle. D'abord confinée dans un chromatisme austère qui traduit avec bonheur l'atmosphère chaude et feutrée des scènes intimistes, sa palette s'éclaircit rapidement à partir de 1905. Bonnard découvre alors les impressionnistes, mais refuse de se laisser dominer comme eux par les spectacles de la nature. En même temps qu'il s'efforce de réagir, par une composition plus rigoureuse, contre la désagrégation des formes colorées, il crée peu à peu un univers enchanté de jeunes femmes resplendissantes, de paysages inondés de soleil, de bouquets et de fruits miraculeusement préservés des atteintes du temps. Il suit les bouleversements qui affectent le domaine des arts dans les trente premières années du siècle – fauvisme, cubisme, surréalisme – mais s'en tient à l'écart. À partir de 1930, par un chromatisme de plus en plus éclatant, son œuvre s'affranchit graduellement de la réalité et parvient à exprimer l'espace par la seule juxtaposition des tons. Affichiste, décorateur, lithographe, Pierre Bonnard a influencé plusieurs générations de peintres ; son apport fondamental à l'élaboration du langage figuratif de notre temps réside dans l'exploration méthodique des ressources de la gamme chromatique, le refus de la perspective traditionnelle et l'affirmation du caractère bidimensionnel de l'espace pictural.
Chaque monde nouveau créé par un artiste renouvelle notre vision du monde. Proust a longuement rêvé sur ce paradoxe. Ces femmes qui passent dans la rue sont maintenant pour nous des Renoir, ces mêmes Renoir où l'on se refusait jadis à voir des femmes. Bonnard nous fait aussi porter des lunettes magiques : d'abord notre vue se brouille, nous ne reconnaissons pas le monde dans la symphonie de couleurs qui nous est proposée, mais bientôt tout s'ordonne et s'éclaire, l'accommodation s'est faite à notre insu, et tout ce décor réel qui nous semblait si familier, cette table dressée, ces fruits dans la coupe, cette fenêtre où crépite la lumière de l'été, nous ne les verrons plus jamais du même œil qu'autrefois. Quelque chose d'essentiel nous a été révélé, qui a, pour toujours, transfiguré les apparences.
Le « nabi japonard »
Pierre Bonnard est né à Fontenay-aux-Roses. Son père, Eugène Bonnard, était d'origine dauphinoise, sa mère, Élisabeth Mertzdorff, alsacienne. D'aucuns expliquent par cette ascendance certains traits de caractère du peintre, goût de l'indépendance et abord réservé. Retenons surtout que c'est en Dauphiné, au Grand-Lemps, dans la propriété familiale du Clos où il passe chaque été ses vacances, que Bonnard découvre la nature et qu'il peindra ses premières œuvres vraiment accomplies.
En 1866, il s'inscrit à la faculté de droit pour obéir à la volonté de son père qui le destine à une carrière administrative, mais il s'inscrit également à l'académie Julian, où il rencontre Paul Sérusier, Maurice Denis, Henri-Gabriel Ibels et Paul Ranson ; il mènera de front études juridiques et études artistiques. À l'École des beaux-arts, il reste un an en compagnie de Xavier Roussel et d'Édouard Vuillard qui deviendra son meilleur ami. En dépit d'un échec au concours de Rome – qui ne l'affecte guère – l'année 1889 est bénéfique pour Bonnard : il vend sa première œuvre, un projet d'affiche pour la marque France-Champagne, et d'enthousiasme décide de se consacrer uniquement à la peinture. Pour lui, comme pour ses camarades de l'académie Julian et de l'École des beaux-arts,[...]
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Écrit par
- Gérard BERTRAND : docteur en esthétique
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