PIERRE BOULEZ (exposition)
« Le son-matériau »
De la Deuxième Sonate pour pianoà Incises, en passant par Le Marteau sans maître, Rituel ou Répons, nous voici conviés à la quête d’une forme (ré)inventée : celle du « son-matériau » qui s’auto-génère à partir du « geste » musical sur lequel elle s’appuie. Ainsi, les écoutes proposées, confrontées à leurs convergences picturales, nous permettent-elles de saisir – ne serait-ce que de manière intuitive – la logique de dissémination propre à Boulez, son attachement au concept de work in progress, ou encore certaines de ses diverses et singulières techniques compositionnelles. Parallèlement aux premières années de l’I.R.C.A.M. (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique), nous en avons un exemple avec la naissance du processeur 4X qui, en permettant aussi bien l’analyse que la synthèse en temps réel de signaux sonores, ouvrit au musicien les portes d’un univers aux potentialités structurantes inédites. De ce nouvel outil allait naître Répons, en 1981.
La pensée de Pierre Boulez, qui ne cesse d’interroger le présent tout autant que de réfléchir à l’histoire musicale de la création en devenir, met en échec toute tentative réductrice de ses prises de position ainsi que de son évolution comme compositeur.
Avec la distance particulière qu’instaure le temps, on peut voir dans les œuvres de Pierre Boulez les traces d’une conscience aiguë au travail de l’histoire. Une conscience qui s’incarna dans la volonté d’ensemencer les plurielles articulations des questionnements musicaux que ses grands aînés nous laissèrent en partage. La « tradition » dans laquelle s’inscrit Boulez couvre un spectre très large. Elle passe notamment par Debussy (pour la « forme tressée » qu’il inventa dans Jeux), les trois Viennois (Webern bien entendu, mais aussi Schönberg quant à la fonctionnalisation des intervalles, la forme en perpétuel renouvellement d’Erwartung, et enfin Berg, pour les structures musicales organiquement liées au contenu et au sens dramatico-théâtral dont ses opéras Wozzeck et Lulu portent la trace). Ajoutons Varèse pour sa pensée du « timbre-énergie », Messiaen en tant que rythmicien et auteur de Mode de valeurs et d’intensités, Stravinski pour son Sacre du printemps, et Cage pour sa réflexion, entre 1949 et 1951, sur la nécessité de réintroduire le hasard en musique.
L’évolution de l’œuvre de Pierre Boulez, envisagée à l’aune de ces soixante-dix dernières années, montre à l’envi que, sans renier cet héritage qui lui fut laissé, ce musicien a su trouver et maintenir, au-delà des utopies de l’avant-garde, la voie d’une réelle modernité où ni la facilité ni les faux-semblants n’avaient leur place.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
Classification
Média