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CHAPPUIS PIERRE (1930- 2020)

Le poète suisse Pierre Chappuis est né le 6 janvier 1930 à Tavannes, dans le Jura bernois. Son père est directeur d’une manufacture d’horlogerie, sa mère institutrice. Après une licence de lettres à l’université de Genève, il enseigne la littérature à Neuchâtel, de 1952 à 1993. Dès 1969, il publie un premier recueil de poésie, Ma femme ô mon tombeau et collabore par la suite à diverses revues : La Nouvelle Revue française, La Quinzaine littéraire, Conférence, et surtout La Revue de belles-lettres, une référence en matière de poésie contemporaine, à laquelle il sera étroitement attaché.

Il existe une « géographie » du poème. Au cours du premier xxe siècle, le labyrinthe des villes a semblé dicter leurs œuvres à Apollinaire, Breton ou Queneau. Par la suite, à partir des années 1950, de part et d’autre des Alpes, et comme en écho à l’Ouvert que recherchait Rilke, c’est vers un espace différent, avec le surgissement de la montagne pour horizon, que se sont tournés des poètes tels qu’André du Bouchet, Philippe Jaccottet et Pierre Chappuis. La vingtaine d'ouvrages que ce dernier a publiés, souvent dans la compagnie de peintres tels que Raoul Ubac, Gisèle Celan-Lestrange ou André Siron, et aux éditions José Corti à partir de 1990, garde tout entière mémoire de ce changement : Éboulis (1984), La Preuve par le vide (1992), D’un pas suspendu (1994), Mon murmure, mon souffle (2005), Dans la lumière sourde de ce jardin (2016)… À travers ces recueils, ce n’est pas tant une thématique qu’une poétique qui se dessine. En se souvenant de Pierre Reverdy et contre tout lyrisme trop expansif, la parole poétique se libère du moi, elle se fait mouvement, épreuve d’une résistance, étoilement dans l’espace, « foulée » dirait Pierre Chappuis – ce que traduit dans la page une disposition des mots qui laisse toute sa place au blanc, permettant au poème de trouver sa respiration à travers une multitude de failles et d’ouvertures. Mallarmé avançait que « le monde est fait pour aboutir à un beau livre » que semble matérialiser Un coup de dés jamais n’abolira le hasard. S’il tend lui aussi vers une parole en archipel librement disposée sur la page, c’est autre chose que vise Pierre Chappuis : non le monde fait livre, mais la parole comme expulsée d’elle-même et rendue au monde. À elle de « faire vivre sans réserve le moment présent, le présent de l’écriture » («  L’Instant irréductible »).

Ce violent sentiment d’être au monde, qui exige que soient écartées beaucoup d’images et d’illusions et que ne subsiste du poème que quelque chose de rude et de nu, dit la vérité de l’œuvre de Pierre Chappuis. Elle nous délivre un moment du temps soumis à la succession et au calcul – le temps des montres, celui qui appartient à tout le monde et à personne – pour nous rendre à l’expérience de l’instant, du saisissement ou de l’élan brisé, dans la « consécration du vide » (Éboulis).

Pierre Chappuis a également publié des essais sur Michel Leiris (1973) et André du Bouchet (1979), ainsi que des textes critiques (Tracés d’incertitude, 2003). Il a reçu en 1997 le prix Schiller et, en 2005, le grand prix C. F. Ramuz.

Il meurt le 22 décembre 2020 à Neuchâtel.

— Gilles QUINSAT

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    Orientées par « l'attrait du dehors », les œuvres des poètes Pierre Chappuis (Éboulis, 1984 ; La Preuve par le vide, 1992 ; À portée de la voix, 2002 ; Mon Murmure mon souffle, 2005), Pierre-Alain Tâche, Frédéric Wandelère, Pierre Voélin (Sur la mort brève, 1986), Sylviane Dupuis ou...