CHARPENTRAT PIERRE (1922-1977)
Dans un de ses ouvrages sur le baroque auquel son nom reste lié, Pierre Charpentrat notait que « pour beaucoup de nos contemporains le baroque a été une aventure personnelle ». Note comme en passant ; bien dans la manière de Charpentrat dont la prose, à la ressemblance de ce style dont il fit son objet de prédilection, ignore les distributions hiérarchisées, se veut homogène en ses parties, sauf à s'éclairer de rapports internes.
Pierre Charpentrat est né à Coulommiers en 1922 ; il est mort à Paris en 1977. Ses études, achevées au lycée Henri-IV, en première supérieure, le mènent à l'agrégation de lettres. Et tout jeune, au lieu de l'enseignement dans quelque lycée, il entrera au ministère des Affaires étrangères où, durant un quart de siècle, au service de l'enseignement français à l'étranger, il jouera un rôle de premier plan. Surprenante orientation que celle de ce chercheur-fonctionnaire. Mais sur laquelle, toujours à propos du baroque, il jette un trait de lumière qui la justifie : à un moment où le baroque n'était pas encore à la mode, il relève qu'un disciple de Focillon, lequel « ne goûtait guère, comme on sait, les phases baroques de l'histoire des Formes », donnait un cours sur ce thème. Et il ajoute : « cours inscrit, il est vrai, au programme d'un de ces instituts français à l'étranger qui entourent notre Université d'un limes poreux, d'une frange absorbante ». Et en une autre occasion, il écrira que les professeurs français à l'étranger se sont montrés réceptifs à l'originalité des pays où ils avaient été appelés et désireux, à leur retour, de convaincre leurs « collègues fort attachés parfois aux valeurs traditionnelles ».
Aussi bien, pour Charpentrat, c'était tout un que militer pour une certaine révision des idées sur le baroque, pourfendre le confusionnisme de l'architecture d'aujourd'hui, ou favoriser la formation à l'étranger d'une Université parallèle plus libre, dont les maîtres, jadis choisis ou soutenus par lui, firent ensuite autorité au Collège de France ou dans les universités dont ils ont modifié les vues traditionnelles.
Son activité, diverse d'apparence, reposait sur un unique principe : débusquer les lieux communs, se garder des orthodoxies ; chercher à parvenir à l'intelligence d'un fait, mais refuser la théorie inavouée qui en donnera l'illusion.
Cet homme de grande courtoisie, attentif aux raisons des autres, se révélait pugnace quand il flairait la tricherie intellectuelle, voire la hâte ou le préjugé. Il était sensible et intuitif, mais l'impressionnisme n'était pas son fort. Attaché au scrupule historique (dans un de ses ouvrages sur le baroque il ne dit rien de la Pologne, de peur d'y être insuffisant ; en revanche, son analyse de l'architecture religieuse de l'Allemagne du Sud est minutieuse), il ne pense pas que l'histoire qui engrange des « faits » soit toujours bien armée pour saisir ce phénomène, si fluide d'abord, qu'est le baroque. Ainsi écrit-il, par exemple : « Le problème des rapports entre l'Italie et l'Allemagne du Sud, d'une manière générale, se pose en termes plus complexes qu'on ne paraît l'entendre. On ne saurait le réduire à des problèmes d'influences, d'emprunts et de sources. Il importe aussi de ne point confondre l'Italie avec la Renaissance et de songer à ce qu'elle a représenté depuis le xe siècle dans la civilisation du Saint Empire. » Sa défiance à l'égard d'un certain type d'interprétation par l'histoire comme, au pôle opposé, son refus d'une théorie de la « vie des formes » qui ignorerait les forces sociales qui les supposent ont rencontré un révélateur sans doute déterminant dans l'enseignement de [...]
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Écrit par
- Georges RAILLARD : professeur émérite à l'université de Paris-VIII
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